Schizosaccharomyces pombe

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Étude par génétique moléculaire des mécanismes cellulaires de formation et de propagation de prions

Le repliement de protéines est un processus essentiel à la vie. Des défauts dans le repliement de protéines sont la cause de certaines maladies génétiques graves telles que la fibrose kystique, l'emphysème juvénile, et certains types d'hémophilie (1). Par ailleurs, des longs agrégats protéiques, nommés fibres amyloïdes, ont été impliqués entre autres dans les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

De plus, un mauvais repliement de protéines peut également être infectieux, comme c’est le cas des maladies à prions telles la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’humain ou encore la maladie de la vache folle et la tremblante du mouton (2).

Un prion est une protéine pouvant changer sa conformation «normale » à une conformation alternative. Cette dernière altère sa fonction endogène et est transmissible aux autres molécules identiques formant ainsi des oligomères et des fibres. Il est à noter que les prions constituent des particules infectieuses dépourvues d’acides nucléiques. Ainsi, du point de vue moléculaire, le mécanisme de propagation de prions constitue une de découvertes les plus remarquables de ces 50 dernières années, ce qui a été reconnu par l’octroi du Prix Nobel au Dr. Stanley Prusiner (2).

Bien que les prions soient souvent associés à des maladies, il a été trouvé que chez les levures, les prions peuvent être bénéfiques agissant comme des interrupteurs moléculaires à titre d’éléments de contrôle de voies cellulaires (3-6). En effet, deux caractéristiques fondamentales de prions, à savoir le changement de conformation qui entraîne un changement ou perte de fonction et la réplication de la conformation prionique permettent aux prions de propager une nouvelle fonction ou caractère. En particulier, il a été bien démontré que chez les levures, les prions peuvent agir comme des éléments génétiques(3-6).

En ce sens et grâce à leur capacité d’agir en tant qu’éléments génétiques métastables, les prions pourraient être impliqués dans le contrôle de divers mécanismes épigénétiques tels que l’adaptation réversible de cellules à des variations environnementales (7). Ainsi, on pourrait même envisager comme possibilité la participation de prions dans des processus de différentiation cellulaire. Il est intéressant de noter qu’une protéine neuronal qui semble être impliquée dans la mémoire à long terme chez le mollusque Aplysia californica, se comporte comme un prion chez la levure S. cerevisiae (8). Cette découverte surprenante suggère que d’autres protéines avec des caractéristiques de prions pourraient jouer des rôles clé dans des processus de la mémoire chez les animaux.

La calnexine est une chaperone moléculaire impliquée dans plusieurs processus cruciaux du réticulum endoplasmique incluant le repliement de protéines et le contrôle de qualité (9-11). Notre laboratoire a établi que la calnexine est essentielle pour la levure S. pombe (12). Cependant plus récemment, nous avons démontré qu’un élément de type prion, désigné [cif], agit comme un interrupteur moléculaire activant une voie permettant la viabilité de S. pombe en l’absence de la calnexine(13). Ainsi, les cellules de S. pombe peuvent adopter deux états métastables : un état absolument dépendant de la calnexine (Cdn) et, un état d’indépendance de la calnexine désigné Cin (de l’anglais calnexin- independent). Les cellules à l’état Cdn ne contiennent pas le prion [cif]. L’induction du prion [cif] convertie les cellules de S. pombe de l’état Cdn à l’état Cin, soit indépendantes de la calnexin. De même, le transfert du prion [cif] par conjugaison ou par transformation protéique, convertie des cellules de S. pombe de l’état Cdn à l’état Cin. Il est important de signaler que [cif] est le premier prion décrit comme étant nécessaire à la viabilité d’un organisme sous certaines conditions, et le premier prion trouvé chez S. pombe.

Les mécanismes de conversion et de réplication des prions demeurent peu connus. Toutefois il est généralement accepté que certains facteurs cellulaires, tels que les chaperones moléculaires, influencent la conversion et la propagation des prions. Afin de comprendre ces mécanismes, nous utilisons comme modèle le prion [cif] de Schizosaccharomyces pombe.

Plus spécifiquement, nos recherches actuelles visent à répondre plusieurs questions clés et à comprendre certains mécanismes:

Dans nos études nous utilisons les puissantes approches de génétique de levure combinées à des méthodes post-génomiques ainsi que des méthodes de pointe de biologie moléculaire et de biochimie.

Étant donné les grandes ressemblances entre les cellules de S. pombe et les cellules animales en ce qui concerne le repliement de protéines et divers processus cellulaires de base (14), nos recherches contribueront à l’élucidation des mécanismes d'apparition et de propagation de prions chez les mammifères. De plus, nos études permettront de mieux comprendre les rôles de prions en tant que des éléments de contrôle du type « molecular switch ».


Références :

(1) Chien P, Weissman JS, and DePace AH (2004). Emerging principles of conformation-based prion inheritance. Annu. Rev. Biochem. 73, 617-656.
(2) Prusiner SB (1998). Prions. Proc Natl Acad Sci U S A. 95,13363-13383.
(3) Uptain SM and Lindquist S (2002). Prions as protein-based genetic elements. Annu Rev Microbiol. 56, 703-741.
(4) Chernoff YO, Uptain SM, Lindquist SL. 2002. Analysis of prion factors in yeast. Methods Enzymol. 351, 499-538.
(5) Tuite MF and Cox BS (2003). Propagation of yeast prions. Nature Rev Mol. Cell.Biol. 4, 878-889.
(6) Wickner RB, Edskes HK, Roberts BT, Pierce MM, Ross ED, and Brachmann A (2004). Prions: proteins as genes and infectious entities. Genes & Dev. 18, 470-485.
(7) True HL, Berlin I, Lindquist SL (2004). Epigenetic regulation of translation reveals hidden genetic variation to produce complex traits. Nature 431,184-187.
(8) Si K, Lindquist S, Kandel ER (2003). A neuronal isoform of the Aplysia CPEB has prion-like properties. Cell 115, 879-891.
(9) Schrag JD, Procopio DO, Cygler M, Thomas DY, Bergeron JJ (2003) Lectin control of protein folding and sorting in the secretory pathway. Trends Biochem Sci. 28, 49-57.
(10) Helenius A and Aebi M (2004). Roles of N-linked glycans in the endoplasmic reticulum. Annu Rev Biochem. 73, 1019-49.
(11) Paquet ME, Leach MR, and Williams DB 2005) In vitro and in vivo assays to assess the functions of calnexin and calreticulin in ER protein folding and quality control. Methods 35, 338-47.
(12) Jannatipour M and Rokeach LA (1995). The Schizosaccharomyces pombe homologue of the chaperone calnexin is essential for viability. J.Biol.Chem. 270, 4845-4853.
(13) Collin P, Beauregard PB, Elagöz A, and Rokeach LA (2004). A non chromosomal factor allows viability of Schizosaccharomyces pombe lacking the essential chaperone calnexin. J. Cell Sci. 117, 907-918.
(14) Sipiczki M (2004). Fission Yeast Phylogenesis and Evolution. In : The Molecular Biology of Schizosaccharomyces pombe: Genetics, genomics and beyond. R Egel Ed. Springer Verlag, Berlin-Heidelberg.