(12 février) Théories et modèles d’analyse de la transition et de la consolidation Pierre-Yves Le Corvaisier
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I-L’étude des transitions démocratiques dans le monde en Politique comparée (Bunce) B- L’importance de l’approche régionale II-L’étude des transitions démocratiques en politique comparée : le cas de l’Afrique (Sindjoun) A- Critique des analyses dichotomiques répandues en Politique comparée B- L’approche « machiavélique » de la transition en Afrique |
L’étude
de la démocratie et de la démocratisation a pris une importance considérable
en Politique comparée au cours des vingt dernières années. On
s’interroge sur l’origine, la forme, la qualité et la viabilité de
la démocratie. La raison ce cet engouement vient des vagues de démocratisation
auxquelles nous avons assistées depuis le milieu des années soixante-dix
en Europe du Sud, en Amérique latine, en Asie et, plus tard, dans des régions
qui n’avaient aucune tradition démocratique comme l’ex-Union soviétique,
l’Europe de l’Est et l’Afrique. Les deux textes étudiés proposent une analyse épistémologique de l’étude des démocratisations en politique comparée. Le texte de Valerie Bunce se veut comme une étude des généralités portant sur les démocratisations que l’on retrouve dans l’ensemble des analyses comparatistes. Le texte de Luc Sindjoun se concentre lui sur une région précise étudiée en politique comparée, l’Afrique, et se présente comme une critique épistémologique de l’analyse des transitions dans cette région. Valerie
Bunce s’arrête dans un premier temps sur ce qu’elle appelle les
« îlots de consensus » de la discipline, c’est-à-dire les
idées sur lesquelles la plupart des chercheurs se retrouvent quant à
l’explication des processus de démocratisation dans les nouvelles démocraties.
Par la suite, elle discute de l’approche que j’appellerais « régionale »
de la démocratisation, c’est-à-dire du fait que les politologues
semblent pour la plupart analyser les processus de démocratisation dans
un contexte régionaly. Ainsi
selon Bunce, la littérature est très diverse en ce qui concerne
l’analyse de la démocratisation. Les analystes divergent quant aux
origines, quant à la qualité ou la viabilité des nouvelles démocraties.
Il y a cependant d’après elle certains points sur lesquels tout le
monde ou prersque se retrouve, et ce pour tous les types de transition démocratique
auxquels nous avons assisté dans le monde de puis les années
soixante-dix. Valerie Bunce en a compté cinq. En premier lieu, il
s’agit de la relation entre le développement économique et la démocratisation ;
il y a une corrélation entre le niveau de développement et la garantie
de continuité démocratique. En second lieu, il s’agit de la relation
entre démocratisation et les élites politiques ; les élites politiques
représentent une pièce maîtresse dans le processus de démocratisation,
ainsi que dans la consolidation ou l’effondrement de la démocratie.
Ensuite, la relation entre le système politique et la continuation de la
démocratie : les régimes démocratiques parlementaires semblent
plus à même de survivre que les régimes présidentiels. De plus
l’existence d’une identité nationale apparaît essentielle à la
qualité voire à la survie de la démocratie. Enfin, la faiblesse de l’État
de droit est également un obstacle à la démocratisation. La
relation entre le développement économique et la démocratie est un
sujet ancien, nous dit Bunce. Le niveau de développement semble avoir un
impact considérable sur l’existence même de la démocratie, mais aussi
sur sa viabilité à long terme. La démocratie peut apparaître dans les
pays pauvres autant que dans les pays riches, cependant ses chances de
durer dépendent grandement du niveau de développement économique. Pour
exemple, on constate que parmi les pays ex-communistes, ceux qui réussissent
le mieux la transition démocratique sont ceux qui réussissent le mieux
la transition économique, et globalement ce sont les pays au revenu par
habitant le plus élevé qui ont une démocratie consolidée, même s’il
y a des exceptions dues à des situations particulières. Cela étant, si
cette constatation ne pose pas de problèmes, les analystes divergent sur
l’explication d’une telle corrélation. Pour certains, une croissance
soutenue renforce la densité d’une société civile capable de défier
le pouvoir autoritaire et ainsi d’affaiblir la base de son pouvoir ;
elle permet aussi l’émergence d’une classe moyenne et d’une opinion
publique instruite et désireuse de se faire entendre. Pour d’autres,
une économie de marché arrivée à maturité facilite les compromis démocratiques
entre les classes laborieuses et les classes possédantes. Enfin
d’autres encore voient plus simplement dans la croissance économique
l’étape historique naturelle préparant à l’avènement à la fois du
capitalisme et de la démocratie, telle que l’ont connue jadis les pays
occidentaux. Tout
le monde s’accorde également pour dire que les élites jouent un rôle
central dans la démocratisation. Le fait qu’il y ait une transition démocratique
« semble dépendre grandement des intérêts, des valeurs et des
actions des leaders politiques ». Bunce note toutefois que le
comportement des élites dans le processus est dans certains cas (elle
cite l’Espagne et la Pologne) fortement influencé par l’opinion
publique. Les élites ont aussi un rôle dans la continuation de la démocratie
comme dans sa disparition. Ce sont les élites qui créent les
institutions démocratiques, et elles peuvent utiliser leur pouvoir en cas
de crise pour protéger la démocratie comme pour la détruire. Cela dit,
précise Bunce, quand une démocratie s’effondre, il est rare que les élites
en soient les seules responsables, cela est souvent du à de multiples
facteurs. Les
choix institutionnels ont aussi de grandes conséquences quant à la
viabilité des démocraties. Les analystes sont presque unanimes pour dire
que la consolidation, voire la survie même, de la démocratie est plus
probable dans le cadre d’un régime parlementaire que dans le cadre
d’un régime présidentiel. Empiriquement, on le constate dans toutes
les nouvelles démocraties. Les analystes suggèrent que les régimes présidentiels
apparaissent dans les pays où il y a une forte tradition autoritaire. Bunce
se réfère à Rustow pour affirmer que des frontières bien établies et
un sentiment national fort sont des conditions pour une démocratisation réussie.
L’exemple des anciens pays socialistes et des pays africains le démontre
amplement. Quand la nation est remise en question, la démocratie aura du
mal à se matérialiser et de ce fait, à durer. Cela étant, la
composante d’une population n’influe pas sur la réussite ou non
d’une transition. Des pays ethniquement homogènes peuvent très bien échouer
là où des pays ethniquement hétérogènes réussissent. Par ailleurs
les États nouvellement indépendants n’ont pas moins de chances de réussir
; ceux qui ont connu jadis l’indépendance et dans lequel il existe un
consensus populaire quant à l’identité nationale sont plus à même de
réussir. Quant au nationalisme en tant que tel, il n’influe pas sur le
succès d’une démocratisation, car selon les cas il peut être facteur
d’unité comme de fragmentation. L’existence d’un état de droit aide également à la démocratisation. Les pratiques informelles comme la corruption, ou le manque de transparence, sont des obstacles à une démocratisation à grande échelle, comme on a pu le constater en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Afrique. En reprenant l’idée de Przeworski, elle conclue que la démocratie n’entraîne pas nécessairement la gouvernance démocratique. Le
second propos de l’article de Bunce concerne l’approche régionale des
comparatistes en matière de transition démocratique. Il semblerait que
des aspects comme la sortie de l’autoritarisme, l’approche de la démocratisation,
les obstacles à la démocratisation ou la relation entre la démocratisation
et les réformes économiques possèdent des caractéristiques régionales.
Bunce propose de discuter cette approche. Selon
elle, l’essentiel des études comparatives portant sur les nouvelles démocraties
se concentre sur des régions précises : Amérique latine, Europe du
Sud, Europe de l’Est, Afrique, Asie… Des raisons à la fois
contraignantes et pratiques poussent les analystes à concentrer leur
recherche sur la comparaison entre un pays d’une région avec d’autres
pays de cette même région. Il semble en effet que les régions divergent
par certains détails importants dans la façon d’effectuer une
transition démocratique. On peut constater qu’en Amérique latine et en
Europe du Sud, le mode de transition s’effectue à travers une alliance
entre les élites autoritaires et les forces de l’opposition, ce qui
explique la rapidité des transitions dans ces régions-ci. Au contraire,
on constate que dans le monde ex-communiste et en Afrique les transitions
s’effectuent au travers d’importants mouvements populaires et de
l’effondrement du régime. La
relation entre réforme économique et transition varie également selon
les régions. Dans les pays du Sud, les réformes peuvent, selon les
analystes, saper le processus démocratique en le déstabilisant, et suggèrent
ainsi d’attendre que le processus soit accompli avant d’entamer des réformes.
En Europe de l’Est au contraire on constate une corrélation entre les réformes
économiques et les réformes démocratiques. Dans cette région, les démocraties
consolidées ont toutes une économie de marché, alors que les pays qui
ont conservé un caractère autoritaire ont moins progressé dans les réformes.
L’explication est que dans cette région il y a eu consensus autour du
rejet du communisme, et que le lien entre capitalisme et démocratie
apparaît comme évident. De plus le passage au capitalisme a bouleversé
les rapports de force, et certains perdants d’hier se sont retrouvé
gagnants. Comme
on l’a vu, la faiblesse de l’état de droit est une menace importante
pour la démocratie. Cependant cette faiblesse prend différentes formes
selon les régions. Les anciens pays socialistes ont hérité d’une
population instruite, d’une relative égalité socioéconomique, d’une
tradition de pouvoir civil s’imposant aux militaires, mais ils ont aussi
hérité d’une société civile faible et d’une économie inefficace.
De leur côté les nouvelles démocraties latino-américaines ont
l’avantage d’avoir déjà connu des expériences démocratiques ayant
laissé quelque héritage, de pratiquer l’économie de marché depuis
longtemps et de connaître pour la plupart un niveau de développement économique
assez élevé. Mais elles sont menacées par le poids des militaires, les
fortes inégalités socio-économiques et l’importance des mouvements
populistes de droite. En Asie, elles sont plutôt menacées par
l’attitude des populations face à une insécurité régionale. En
Afrique, nous avons affaire à la faiblesse de l’État, la corruption et
le manque d’adéquation entre les politiques menées et les réalités
socioéconomiques et institutionnelles. Mais
on peut être sceptique quant au caractère régional des récentes démocratisations.
D’abord les comparatistes n’étudient en général que dans une seule
région, notamment pour des raisons de coût. De plus les études régionales
tendent à développer leurs propres concepts et leurs propres sujets de
recherche : s’il y a des différences régionales, ce n’est pas
seulement pour des raisons empiriques amis aussi parce que peu de gens
transcendent les frontières régionales dans leurs études. Par ailleurs
il est difficile de définir une région. Selon King, le terme de région
est un terme générique à volonté pratique : l’analyse régionale
est utile pour expliquer certains aspects des démocratisations, mais pas
tous. De plus les limites d’une région sont relativement élastiques,
la région variant trop selon l’époque et le sujet de recherche.
Cependant Bunce précise que le sens de la région est resté relativement
le même en politique comparée pour les démocratisations. II-L’étude
des transitions démocratiques en politique comparée : le cas de
l’Afrique (Sindjoun) Si le texte de Bunce traitait de l’analyse des démocratisations en général, celui de Luc Sindjoun se concentre plus particulièrement sur le cas de l’Afrique. Le
premier propos de Sindjoun est de contester les grilles théoriques utilisées
en politique comparée pour étudier les transitions démocratiques
africaines. Il dénonce les dichotomies auxquels font appel nombre de
chercheurs, qu’il juge trop simplistes. D’abord il n’y pas selon lui
d’opposition entre la démocratie par le haut et la démocratie par le
bas. La démocratisation implique une transaction entre acteurs ; elle
implique la création de nouvelles normes politiques par différents
acteurs ayant des positions et des ressources différentes. La démocratisation
dite « par le haut », c’est-à-dire la situation dans
laquelle les élites politiques de l’ancien système restent en place
durant la transition, n’est pas une pseudo-démocratisation. Le « haut »
ne peut en effet renvoyer à une catégorie homogène. La transition est
ainsi une crise politique qui accélère l’hétérogénéité des élites :
courant progressiste dans un parti unique ou émancipation du parlement
comme au Cameroun. Quant au « bas » il est nécessairement présent
dans le cadre de la démocratisation « par le haut », à
travers les pressions populaires. Ainsi démocratie « par le haut »
ne veut pas dire contrôle total du processus « par le haut ».
Si elle procède de calculs et de stratégies personnelles, elle n’est
pas rationnelle mais plutôt, selon Sindjoun, raisonnable car découlant
de pratiques compréhensibles en regard du contexte. Il
n’y pas non plus lieu de faire une différence entre les démocrates
« par conviction » et les démocrates « par nécessité »
car on ne peut mesurer le degré de sincérité d’un acteur politique.
Il vaut mieux s’intéresser à la façon dont la société oblige les
acteurs à devenir démocrates. La démocratisation est un processus qui
transforme les acteurs sociaux. Peu importe si la conversion à la démocratie
est feinte ou sincère. Ensuite on ne peut faire de distinction entre les
facteurs externes et internes de la démocratisation : certains
analystes voient la démocratisation comme procédant de l’extérieur
alors que d’autres pensent qu’elle dérive de logiques internes aux
pays africains. Les pressions exercées par les pays occidentaux sur les
pays africains sont indéniablement des facteurs de la démocratisation et
que la fin de la Guerre froide a eu des répercussions importantes. Les
logiques internes selon l’auteur doivent s’envisager dans le contexte
de l’interdépendance accrue des sociétés, le contexte de la
mondialisation des idées, des valeurs et des normes gouvernementales. Il
faut combiner la dynamique mondiale avec les dynamiques locales. Il ne faut pas non plus opposer universalisme démocratique au relativisme culturel. Selon les relativistes la démocratisation est un modèle importé et artificiel et, quoi qu’il en soit, incompatible avec la culture africaine. C’est un point de vue douteux selon Sindjoun car il ne prend pas en compte les luttes politiques indigènes en faveur de la démocratie et la capacité à africaniser le modèle occidental. La démocratisation est une activité sociale que les acteurs dotent d’une signification : ainsi la démocratie consociative est une réponse aux divisions ethniques et régionales. On assiste à des régimes de compromis entre les idéaux occidentaux et la réalité africaine. Enfin l’idée d’une rupture radicale entre le passé et le présent est à bannir. Le passage de l’autoritarisme à la démocratisation en Afrique doit être analysé dans le cadre, nous dit Sindjoun, « de la continuité et de la discontinuité ». Dans
son second propos, Sindjoun propose de recourir à Machiavel pour
l’analyse des transitions démocratiques afin de casser avec
l’approche enchanteresse, selon ses termes, de la démocratisation, et
de souligner le caractère logique de la transition. Il s’agit de
comprendre le sens concret de la démocratisation. Le recours à Machiavel
a l’avantage de se baser sur l’observation précise des faits, il
permet de considérer la transition comme autre chose qu’un moment
« doté de bonté et d’évidence » (J. Leca). Il s’agit de
considérer la démocratisation comme une contrainte de situation et un
moment de luttes politiques. Sindjoun appelle cela la théorie réaliste
ou écologique de la démocratisation. Sindjoun
envisage dans un premier temps la démocratisation comme une logique de
situation se situant dans le cadre d’une justification publique par le
pragmatisme et l’opportunisme des acteurs. La démocratie est alors un
objet « bricolé », un équilibre de tensions produit et subit
par les acteurs. Il s’agit en fait pour les acteurs d’adopter des
comportements en phase avec l’air du temps ; la logique de
situation renforce la probabilité de démocratisation. Il n’y pas selon
l’auteur de « héros » de la démocratisation, il n’y a
que la prise en compte d’une conjoncture critique amenant à la
transformation des régimes politiques. Ainsi au début des années 90
a-t-on assisté à une conjoncture favorable à la démocratisation sur le
plan interne comme sur le plan international. La conjoncture
internationale se composait de la conditionnalité de l’aide politique
(en particulier les menaces d’arrêt d’aide au développement), de la
circulation des idées libérales (notamment au travers des institutions
financières internationales), de l’interdépendance des société etc.
Ainsi la démocratisation est devenue une modalité de légitimation
internationale des régimes politiques africains. La contrainte interne se
caractérisait notamment par des mobilisations multisectorielles contre
les régimes en place. Dans
le but expliquer l’attitude des acteurs, Sindjoun se réfère à la
dialectique du lion et du renard établie par Machiavel, où le lion
incarne la force et le renard la ruse. La ruse est utilisée par les élites
dirigeantes pour capter le processus démocratique, et se convertir bon gré,
mal gré à la démocratie : elles vont même jusqu’à s’en faire
les gardiens ou les géniteurs. Au Bénin, Kérékou a convoqué une
« conférence des forces vives de la nation » afin de contrôler
le processus. Au Cameroun, la ruse consiste à tenir un discours de libéralisation
« graduelle et responsable » afin de rendre hors-la-loi toute
conférence nationale. La ruse est également utilisée par les forces de
l’opposition, car à travers l’instauration de « conférences
nationales », elles se réclament du peuple sans être élues,
usurpant ainsi la qualité de représentants du peuple. Quant à la force,
elle est mise en œuvre par le contrôle des forces armées comme au Togo
ou par la mobilisation des forces de l’ordre comme au Cameroun. Du côté
de l’opposition, on organise des insurrections ou des attaques contre
des édifices publics ou des actions « villes mortes » comme
au Cameroun. Ainsi les logiques de situation expliquent la démarche des
acteurs politiques. Selon
Sindjoun, on ne peut pas envisager la démocratisation autrement que comme
un cadre de lutte pour le pouvoir. Mais la démocratisation n’est pas
une forme de domination comme une autre en ce sens qu’elle se veut légitime,
c’est-à-dire acceptée par le peuple, d’où l’existence de démocraties
dites « illibérales » (F.Zakaria), ignorant les droits de
l’homme et l’État de droit. La lutte de pouvoir se caractérise en
Afrique par la compétition électorale, la formation de coalitions et
l’alternance au sommet de l’État, la formation d’une classe de
professionnels de la politique. La lutte pour le pouvoir est, selon
Sindjoun, au cœur des transitions démocratiques africaines. Quant à la parlementarisation, elle constitue un processus social contrôlé par l’État en vue de la lutte politique pacifique, du bannissement de la violence physique dans la vie politique. On a pu constater ce processus au Bénin et à Madagascar. Mais l’élection comme mode d’accès au pouvoir n’a pas pacifié entièrement la société politique à cause de la contestation permanente des règles du jeu et du résultat des élections. La parlementarisation est ici encore fonction des rapports de forces. Après
avoir étudié des deux textes, on peut ajouter qu’ils proposent tous
deux des outils méthodologiques quant à l’analyse de la transition démocratique. Pour
Bunce le terme « démocratisation » est discutable, car il se
réfère à un objectif global, et on l’a souvent trop rapidement utilisé
dès qu’un régime autoritaire était menacé. De même pour Sindjoun,
ce que l’on appelle « transition démocratique » est un
terme générique et uniformisant désignant des processus politiques
divers. C’est pourquoi il propose le terme de « transition
politique » plutôt que « démocratique », car il ne préjuge
pas l’issue du processus ou la nature du changement. Il propose de
rompre avec l’approche objectiviste pour mieux comprendre la complexité
du processus politique. Les
deux auteurs considèrent les nouvelles démocraties comme des régimes
hybrides alliant des éléments autoritaires à des éléments démocratiques.
Bunce relève que les nouvelles démocraties ont des résultats incertains
et affirme qu’il faut insister sur la qualité et la viabilité de la démocratie
dans l’étude des transitions, qu’il y a plusieurs voies qui
conduisent à la démocratisation, celle-ci pouvant être le fruit d’une
évolution historique ou alors entièrement planifiée et enfin qu’il ne
faut pas confondre État et régime. Pour Sindjoun la démocratisation
doit s’analyser dans le temps, afin d’éviter d’apprécier trop hâtivement
les processus politiques en cours comme cela a été le cas pour le Niger
et le Congo. C’est, dit-il, l’épreuve du temps qui révèle
l’ancrage de la démocratisation. Mais le recul historique ne saurait être
seul facteur de vérité, car il faut aussi prendre en compte le contexte
et les innovations démocratiques. Ces
deux textes se rejoignent ainsi sur plusieurs points, même si celui de
Sindjoun porte uniquement sur l’Afrique. Cependant si le texte de Bunce
semble traduire une volonté de recul par rapport à analyse des démocratisations
en politique comparée, le texte de Sindjoun paraît plutôt refléter le
point de vue d’une école de pensée particulière.
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