Site de Benoît Melançon / Thèses canadiennes en littérature française du XVIIIe siècle
Nadeau, Martin, «Théâtre et esprit public : le rôle du Théâtre-Italien dans la culture politique parisienne à l’ère des Révolutions (1770-1799)», Montréal, Université McGill, thèse de doctorat, 2001, vii/268 p. Dir. : Pierre Boulle.
À partir du cas du Théâtre-Italien, considéré à la fois comme une pratique théâtrale particulière et un lieu de théâtre spécifique à Paris — l’un des plus fréquentés à cette époque —, nous posons la question de son rôle à travers la nouvelle compétition de discours qui caractérise la culture politique à l’ère des Révolutions. Trop souvent, les historiens ont surestimé la culture écrite en tant que médium principal dans la production des discours au XVIIIe siècle, et ceci malgré que le théâtre ait occupé un espace décisif dans la vie publique de cette période. En outre, quand le théâtre a été appréhendé, trop souvent les historiens n’ont considéré que sa dimension écrite.
La structure de la thèse cherche à mettre en relief la spécificité de cette pratique culturelle représentée par le théâtre. Nous soulignons l’écart qui existe entre le sens d’une pièce écrite par un auteur et le sens de cette même pièce lorsqu’elle est jouée. Le politique surgit de la bouche et des gestes des acteurs et des actrices sans que l’on puisse les assujettir, si bien qu’ils deviennent, à proprement parler, des co-auteurs de la pièce. La diversité de la nature du public et l’intempestivité avec laquelle il joue ses divers rôles de juges, co-auteurs et co-acteurs font du public, non pas abstrait ou invisible mais tout simplement assemblé, un pôle crucial de la pratique théâtrale qui nous permet d’affirmer que celle-ci est difficilement assimilable à une entreprise de propagande et qu’elle constitue au contraire un lieu de débat politique immédiat. Les opinions divergentes qui s’y manifestent font que la pratique théâtrale s’offre non pas comme le miroir de la réalité politique voulue par différents régimes tous confrontés à la pluralité de la cité — ce que certains ont appelé «une école du peuple» — mais plutôt comme le miroir de la politique vécue par une part appréciable de la population parisienne à cette époque. C’est en ce sens que nous mettons en relation la pratique théâtrale avec le concept d’esprit public, définissant une appréhension de l’intérêt général, plutôt qu’avec celui de l’opinion publique, exprimant l’opinion unifiée d’un groupe politique dominant.
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