Site de Benoît Melançon / Thèses canadiennes en littérature française du XVIIIe siècle


Cloutier, Annie, «Un corps et une plume pour habiter le temps : l’œuvre en miettes de Louis Sébastien Mercier», Québec, Université Laval, thèse de doctorat, 2010. Dir. : Thierry Belleguic.


L’œuvre de Louis Sébastien Mercier, volumineuse et hétérogène, n’a suscité que trop rarement un intérêt pour une analyse d’ensemble. Si l’empreinte importante laissée par les habitudes de promeneur et d’observateur de l’auteur dans ses ouvrages principaux frappe immédiatement celui qui les parcourt, ces occupations quotidiennes ont également influencé la forme de l’œuvre qui, dès lors, se trouve faite de miettes et de fragments récoltés au gré des déambulations journalières de l’auteur, au gré de ce qui aura capté ou non son regard. S’ensuit une perception contradictoire entre l’œuvre et les miettes qui la forment, comme si un ensemble cohérent ne pouvait naître de la forme morcelée de ses parties. Or, et au-delà de ce premier constat paradoxal assez flagrant pour quiconque se plonge dans les écrits foisonnants de Mercier, notre thèse veut montrer comment la préoccupation de l’auteur d’inscrire le présent a pu avoir un impact direct sur son œuvre entière – autant dans le fond que dans la forme – au point de constituer, dans une certaine mesure, une ligne de fond qui permet de lier l’ensemble dans un tout conséquent quoique hétérogène.

De la présence presque martelée du corps à l’omniprésence d’une plume témoin, l’œuvre se déploie autour d’un but précis : l’observation de la marque du temps sur les choses et les hommes. Mercier sème ses phrases au quotidien, marque le temps de ses pensées, utilise son œuvre comme un journal de bord dans lequel il inscrit chaque instant comme autant de traces de la vie qui s’écoule, avec tous les paradoxes que peut contenir une écriture qui accumule sans retrancher rien de la parole déjà répandue dans le monde. L’œuvre devient ainsi à la fois preuve et témoignage de l’évolution d’une pensée autant que du temps qui fuit, et non un simple amas disparate à ne consulter qu’en pièces détachées. Par l’impact de la perception du présent sur l’œuvre entière – y compris dans sa part historique et anticipatrice –, c’est toute la singularité et la cohérence de la plume de Louis Sébastien Mercier, prise entre paradoxes, fragments et rapidité, qui se donne à lire.


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