Site de Benoît Melançon / Thèses canadiennes en littérature française du XVIIIe siècle


Brissette, Pascal, «La malédiction littéraire : constitution et transformation d’un mythe», Montréal, Université McGill, thèse de doctorat, août 2003, xii/481 p. Ill. Dir. : Marc Angenot.


Longtemps avant la publication des Poètes maudits de Verlaine, on a écrit et pensé, en certains milieux et dans certains contextes, que les écrivains de génie étaient destinés à vivre malheureux. Ce n’est pourtant que vers 1760-1770 que sont réunies les conditions permettant l’émergence d’un mythe de l’écrivain malheureux, mythe qui affirme la vocation christique de l’écrivain et qui associe la grandeur au malheur. La présente thèse cherche à comprendre ce phénomène mythique dans une perspective historique. La première partie retrace les trois principales filiations topiques du malheur auctoral avant 1770. Ces trois séries sont celles de la mélancolie, de la pauvreté et de la persécution. Nous nous attachons, dans les chapitres qui leur sont consacrés, à mettre en lumière la spécificité de ces topiques, les représentations et exempla qu’elles mobilisent et les connexions qui s’opèrent dans les discours entre, d’une part, la mélancolie et le génie, d’autre part, la pauvreté et la vérité, enfin, la persécution et le mérite. Sans considérer encore que ces différentes connexions discursives suffisent à fonder une mystique du lettré malheureux, nous les étudions dans leur contexte pour ce qu’elles sont : un réservoir topique où les littérateurs puiseront bientôt certains matériaux discursifs et dont le mythe tirera son acceptabilité historique, son caractère d’évidence. La deuxième partie de la thèse est pour sa part consacrée à l’étude de cette évidence. Après Rousseau, d’aucuns croient que le malheur s’attache aux pas du génie, que la vocation littéraire fait du poète l’objet d’une malédiction. Il ne s’agit plus, dès lors, de suivre séparément les fils de la topique, mais de voir la manière dont celle-ci acquiert valeur de lieu commun entre 1770 et 1840, s’impose comme horizon de sens et s’intègre aux stratégies d’écrivain. Le dernier chapitre et l’épilogue montrent que le mythe se maintient en se transformant dans la deuxième partie du XIXe siècle, s’accommodant des critiques qui lui sont faites chez les écrivains postromantiques, et qu’il incite même les grands auteurs qu’on pourrait dire «heureux» — Victor Hugo, par exemple — à trouver leur formule du malheur et à s’en approprier les insignes.

Mots clés : Mythe • Écrivain • Malheur • Procédures de légitimation • Sociocritique


Publication

Couverture de Pascal Brissette (2005)
Brissette, Pascal, la Malédiction littéraire. Du poète crotté au génie malheureux, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Socius», 2005, 410 p. Ill.


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