Site de Benoît Melançon / Thèses canadiennes en littérature française du XVIIIe siècle


Boisvert, France, «Le développement des genres littéraires dans l’œuvre de Lahontan», Montréal, Université de Montréal, thèse de doctorat, décembre 2000, 2 vol., x/477 p. Dir. : Éric Méchoulan.


Notre thèse porte sur le développement des genres dans l’œuvre de Lahontan, publiée à La Haye en 1703 et 1704. Elle traite du développement des genres dans l’œuvre de Louis-Armand de Lom d’Arce, troisième baron de Lahontan. Cette étude a pour but d’identifier les procédés d’écriture propre aux trois genres littéraires qui articulent l’œuvre : la relation de voyage par lettres, les mémoires et le dialogue d’idées. L’histoire des idées prévalant au tournant du XVIIIe siècle tant en France que dans le Refuge hollandais (où sont réfugiés les huguenots frappés par la Révocation de l’Édit de Nantes, en 1685) permet de resituer l’œuvre lahontantienne, associée à la pensée libertine. Par ailleurs, l’étude du mythe du Bon Sauvage permet d’identifier son origine, reliée aux Guerres de Religion et à la Conquista espagnole en Amérique du Sud, puis de comprendre son développement et sa transformation chez Lahontan, qui évolue dans l’entourage de Pierre Bayle, lexicographe érudit et controversiste célèbre défendant la bannière protestante. Enfin, l’étude de chacun des trois genres a permis d’en dégager un autre, plus central : la controverse religieuse. C’est pourquoi l’histoire du schisme protestant, depuis Jean Calvin jusqu’à la libéralisation de sa tradition dans une Hollande hétérodoxe, a été mise à contribution pour comprendre l’émergence d’une poétique de la controverse protestante menant au déisme, présente dans l’œuvre lahontanienne. Les résultats apportent beaucoup à l’histoire qui, dorénavant, ne saura négliger les genres littéraires dans la caractérisation des textes. En effet, les relations des voyageurs qui nourrissent l’histoire de la Nouvelle-France appartiennent, de fait, au récit biographique et à la controverse. Ceci a pour conséquence de les apprécier ainsi que des romans autobiographiques, voire de l’autofiction, et non plus en tant que rapports historiques de voyageurs où l’on peut puiser des renseignements d’ordre ethnologique. Quant aux relations missionnaires, elles appartiennent toutes au grand genre de la controverse que les catholiques mènent contre les protestants, dans le sillage de la Contre-Réforme. Les mémoires constituent une tentative de réécriture de l’histoire permettant au mémorialiste de s’y faire une place. Dans le cas des cinq Dialogues, nous démontrons que les quatre derniers ont été sensiblement inspirés par le Leviathan du philosophe anglais Thomas Hobbes. Lahontan s’est approprié quelques idées de la vulgate hobessienne, et, parfois, en a inversé certains aspects, et ce, dans une réélaboration originale où le droit naturel triomphe des lois, corps civil artificiel. L’œuvre, rattachée au Refuge, permet de comprendre l’évolution de la représentation du Sauvage, depuis le «Bon Sauvage» de Jean de Léry au «Vrai Sauvage» décrit dans les Mémoires lahontaniennes. Enfin, ce sont les mêmes Dialogues réécrits toutefois par Nicolas Gueudeville (meilleur lecteur de Hobbes) qui viennent délier le Bon Sauvage pour en faire un personnage revendicateur, symbole du Rebelle nourrissant la littérature des Lumières, de Voltaire aux Encyclopédistes.

Mot clés : Lahontan • Bon Sauvage • Controverse religieuse • Mémoires • Historiographie


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