Site de Benoît Melançon / Thèses canadiennes en littérature française du XVIIIe siècle


Bellemare, Alex, «Mundus est fabula. L’imaginaire géographique dans la fiction utopique (XVIIe-XVIIIe siècles)», Montréal et Paris, Université de Montréal et Université Sorbonne nouvelle-Paris 3, thèse de doctorat en cotutelle, septembre 2017, xiii/572 p. Dir. : Ugo Dionne (Université de Montréal) et Jean-Paul Sermain (Université Paris 3-Sorbonne nouvelle). URL : <http://hdl.handle.net/1866/20457>.


Pourquoi la fiction utopique française des XVIIe et XVIIIe siècles s’est-elle incarnée sous la forme d’un récit de voyage imaginaire à la première personne ? Pour la plupart des commentateurs du genre, l’utopie se pense d’abord et surtout sur le plan des idées, des mentalités et des idéologies; la forme qu’elle adopte, les figures qu’elle déploie, les représentations dont elle est porteuse seraient, au mieux, des accidents de parcours. Notre hypothèse de lecture est tout autre : ces textes intéressent l’historien des représentations précisément parce qu’ils s’articulent sous la forme d’un récit, mettant en tension la subjectivité trouble du voyageur témoin. Par leur construction mêlant le factuel et le fictionnel, ils se situent dans la double perspective du «monde comme fable» et de la «fable comme monde». Cette dualité définitoire, nous l’étudierons à partir de la notion d’imaginaire géographique : les textes sur lesquels nous nous penchons problématisent en effet les liens entre voyage et langage, territoire et société, mobilité et individu. L’imaginaire géographique que nous analyserons est un processus, une dynamique qui informe la perception du monde et la possibilité de sa représentation : la présente étude s’intéressera, en deux parties, aux figurations de l’espace et aux pratiques spatiales, qui sont autant de médiations entre le voyageur utopique et les lieux qu’il traverse.

Cette thèse de doctorat, dont la démarche hybride histoire des représentations et poétique historique, se fixe l’objectif d’analyser l’imaginaire géographique en fonction de cinq modes de sémiotisation de l’espace, qui constituent autant de chapitres. D’abord, il s’agira d’interroger la fabrique des mondes imaginaires, à travers le pacte utopique du récit de voyage (nommer). Ensuite, nous sonderons les enjeux rhétoriques et poétiques au fondement de la pratique descriptive : comment dire l’ailleurs ? Les façons plurielles de mettre l’expérience viatique en forme définissent un rapport au monde à la fois décalé et critique (décrire). Puis, si les façons de nommer, de décrire et de percevoir l’espace imaginaire sont des défis d’ordre esthétique et culturel, les territoires utopiques sont également éprouvés de façon concrète. Nous démontrerons que le rôle du patrimoine bâti dans les civilisations controuvées est performatif et a valeur de contrat : la société parfaite s’érige et s’institue d’abord dans la pierre (construire). Par ailleurs, l’utopie déploie un certain nombre de lieux emblématiques, où se matérialisent la culture, la mémoire et le pouvoir (territorialiser). Enfin, le voyageur utopique appréhende l’espace en fonction d’une série de filtres : la représentation du corps discipliné, l’imaginaire de la mobilité et le ressassement de la bibliothèque sont autant de moyens de mettre une distance entre le monde et son expérience (imaginer). C’est ce moment «géographique» de l’histoire de la fiction utopique que cette thèse restitue et analyse.

Mots clés : Espace • Imaginaire géographique • Fiction utopique des XVIIe et XVIIIe siècles • Récits de voyage imaginaire • Histoire des représentations


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