Site de Benoît Melançon / Thèses canadiennes en littérature française du XVIIIe siècle
Beausoleil, Marie-Ève, «Les enjeux normatifs de la reconnaissance publique dans la France des Lumières : gloire, célébrité, mérite», Montréal et Nancy, Université de Montréal et Université de Lorraine, Université de Montréal et Université de Lorraine, août 2017, vi/291/vi p. Dir. : Susan Dalton (Université de Montréal) et Catriona Seth (Université de Lorraine). URL : <http://hdl.handle.net/1866/21136>.
Cette thèse a pour objectif de mieux comprendre pourquoi et comment se sont posés les enjeux normatifs de la reconnaissance publique dans la France des Lumières. Je montre que cette problématique prend toute son importance dans une période de transition vers la modernité où se conjuguent deux grands phénomènes. D’une part, les penseurs des Lumières, remettant en cause les formes révélées et arbitraires de l’autorité, font de la gloire un processus de reconnaissance du mérite susceptible d’ordonner une société harmonieuse et juste. D’autre part, le XVIIIe siècle voit l’émergence d’une culture de la célébrité qui favorise la multiplication des personnalités connues, en particulier issues du milieu des lettres et des arts de la capitale. Plutôt que de distinguer des individus dont le mérite et les accomplissements utiles suscitent l’admiration unanime, comme le voudrait l’économie de la gloire, la célébrité s’alimente, entre autres, de la controverse, du dévoilement de la vie privée et de la consommation du divertissement. Dès son avènement, elle est largement perçue comme un facteur de décadence morale et un symptôme d’appauvrissement culturel. Cette étude propose une incursion dans les discours moraux (traités de morale, observations sur les mœurs), esthétiques (palmarès allégoriques, ouvrages sur le goût) et biographiques (ana, almanachs satiriques) qui ont participé à l’élaboration, à la promotion et à la critique d’économies de la reconnaissance publique. En analysant une sélection de textes publiés sur une période d’environ 150 ans, entre la Querelle des Anciens et des Modernes et le premier tiers du XIXe siècle, je montre la cohérence de fond et les articulations de ces réflexions qui portent, en définitive, sur le genre d’ordre (littéraire, social ou politique) que l’on voudrait consolider ou voir advenir. Elles ouvrent en retour une perspective sur la spécificité de ce moment charnière, marqué entre autres par la déstructuration des hiérarchies traditionnelles et l’affirmation de l’individu comme sujet moral autonome. La thèse contribue à l’historicisation de la culture de la célébrité moderne en l’abordant par le biais des représentions et des luttes symboliques qu’elle suscite. Alors que la célébrité a été théorisée comme un phénomène médiatique qui instaure en particulier un rapport d’intimité à distance entre les personnes célèbres et le public, je montre qu’elle était largement interprétée à l’époque comme une dérégulation de l’économie affective de la gloire. Cette dernière repose sur une théorie du sentiment moral qui permet de reconnaître de manière naturelle le vrai mérite et de résoudre, avec le temps, la tension entre la relativité des opinions et l’objectivité des valeurs. La célébrité avive au contraire des passions, telles l’envie, l’ambition et la cupidité, qui poussent à fabriquer une reconnaissance immédiate et non méritée. Alors que s’affirme une compréhension systémique de ses mécanismes au sein d’une critique des mœurs de la société de l’élite parisienne, la célébrité se voit inscrite dans un ensemble cohérent de manifestations esthétiques et socioculturelles, incluant la mode, le luxe, le bel-esprit, le rococo, la satire, le persiflage, les lectures légères, les cabales et les spectacles.
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