Site de Benoît Melançon / Thèses canadiennes en littérature française du XVIIIe siècle
Aïssaoui, Driss, «Robert Challe écrivain de soi», Ottawa, Université d’Ottawa, 1998, 390 p. Dir. : Marie Laure Girou Swiderski.
Au XVIIIe siècle, l’écriture du moi fait encore problème : écrivains et lecteurs y voient un risque de complaisance à soi. Les individus voulant laisser des traces écrites de leur vie doivent, afin de ne pas transgresser l’idéal normatif de leur époque, inscrire leur entreprise dans des genres où la mise en scène du Je ne se fait que sur le mode de l’implicite ou de la discontinuité. L’oeuvre de Robert Challe est, à cet égard, digne d’intérêt. Se plaçant sous l’égide de la fiction romanesque, comme dans les Illustres Françaises, ou se soumettant aux contraintes du témoignage historique, comme dans les Mémoires et le Journal d’un voyage aux Indes Orientales, cet écrivain trouve à chaque fois le moyen de faire de son moi une composante essentielle de son écriture tout en ménageant la sensibilité de ses contemporains. Ce qui, par ailleurs, distingue Robert Challe des autres auteurs qui ont tenté l’expérience autobiographique, c’est sa façon de doubler les procédés rhétoriques destinés à diluer l’allure intimiste de son oeuvre d’une poétique visant à camoufler le jeu de mystification par lequel il tente de substituer son moi rêvé à son moi historique.
L’analyse des textes mentionnés plus haut permet de voir comment, en étendant le territoire de l’autobiographie «canonique» à des genres voisins, Robert Challe forge une rhétorique du moi où les aspirations personnelles se trouvent conciliées avec les convenances sociales et où les données de l’imaginaire épousent celles du réel.
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