Ma vision de l'enseignement universitaire

 

Ma vision de la pédagogie

La pédagogie est au centre de mes préoccupations professionnelles. Comme professeure, je me vois en premier lieu comme une enseignante : pour moi, la recherche, que je prends d’ailleurs grand plaisir à réaliser, doit être au service de l’enseignement et non l’inverse. C’est grâce à la recherche que nous pouvons faire avancer la connaissance dans notre domaine et, donc, que nous pouvons rendre cette connaissance disponible pour les étudiants.

Le rôle du professeur n’est pas seulement d’enseigner mais surtout de faire apprendre : il y a donc une limite à ce qu’il peut faire pour que l’étudiant réussisse. Le professeur ne " donne jamais de notes " ou ne " fait jamais couler les étudiants " : il ne fait que fixer des standards appropriés en fonction du niveau des étudiants, puis juge si les étudiants ont atteint ces standards. Mais il est aussi de sa responsabilité de créer des " conditions gagnantes " pour que les étudiants puissent apprendre.

La pédagogie est donc la création d’un climat propice à l’apprentissage. Ce climat commence par une attitude de respect mutuel entre le professeur et les étudiants. Respecter les étudiants n’est pas accéder à toutes leurs demandes ou les laisser prendre en mains le contrôle de la classe ; c’est plutôt communiquer très clairement ses attentes, ses objectifs, être attentif à leurs besoins et expliquer pourquoi on peut ou non s’y ajuster.

On attribue généralement un cours à un professeur parce qu’il est expert dans le contenu de ce cours ; mais il est impossible qu’il connaisse tout de ce domaine. Si on le considère comme expert, c’est surtout parce qu’il s’est révélé particulièrement compétent dans l’apprentissage de ce domaine – et qu’il poursuit d’ailleurs continuellement cet apprentissage, car " qui enseigne apprend ". Le professeur peut donc se poser comme une sorte de " modèle apprenant " : il est avec ses étudiants sur le même chemin de la connaissance, mais se trouve plus éloigné qu’eux de son point de départ. Les étudiants peuvent souhaiter se rendre plus près de lui, au même niveau ou encore plus loin, mais ils doivent sentir qu’ils avancent ensemble sur le même chemin.

Le bon pédagogue n’est pas celui qui impressionne les étudiants par la complexité de son raisonnement, qui cherche à se maintenir au-dessus d'eux dans une attitude condescendante ou à se faire admirer d’eux. C’est celui qui fait en sorte que les étudiants se sentent intelligents quand ils sortent de sa salle de cours. Ce n’est pas celui qui gave les étudiants de contenu mais qui communique sa passion pour l’apprentissage.

Le bon pédagogue a atteint son but quand ses étudiants ne cessent pas d’apprendre avec la fin de son cours, parce qu’ils ont développé grâce à lui une telle curiosité pour la matière et une telle capacité d’apprendre qu’ils voudront et pourront se perfectionner seuls par la suite.

Si la relation pédagogique peut se vivre de manière très intense entre un professeur et un grand groupe d’étudiants, c’est dans la direction d’étudiants aux cycles supérieurs qu’elle prend sa dimension la plus noble. Le professeur a justement pour mission de rendre l’étudiant autonome non seulement dans l’apprentissage mais dans la production de connaissances. Il laisse l’étudiant explorer des aspects du domaine que ni l’un ni l’autre ne maîtrisent totalement au départ afin d’apprendre avec lui. Il aide l’étudiant à rendre " mieux faite " sa tête qu’il est en train de remplir par ses lectures. Il lui pose plus de questions qu’il n’attend de réponses. Il suscite le doute et les conflits cognitifs pour que l’étudiant se surprenne lui-même d’être allé si loin... apparemment seul. Le directeur de mémoire ou de thèse encadre l’étudiant, au sens où il donne la finition, les limites et un contour solide à l’œuvre produite par l’étudiant.

Je conclurai en affirmant qu’on peut, certes, être un bon pédagogue, mais qu’on peut surtout devenir un meilleur pédagogue. Il n’y a pas de recette unique qu’on peut appliquer à tous uniformément – on enseigne avec ce qu’on est et on doit s’ajuster à l’étudiant ou au groupe qui nous sont confiés. La pédagogie est une attitude qu’on n’arrête jamais de faire évoluer.

 

Ma perception de mes étudiants

J’ai la ferme conviction que, quand on traite les gens en personnes intelligentes et avec respect, ils finissent par agir intelligemment et par nous respecter. Je vois donc d’abord et avant tout mes étudiants, à quelque niveau d’étude que ce soit, comme des êtres intelligents et capables d’apprendre et d’évoluer. Je m’efforce d’entrevoir dans l’étudiant en 1re année de baccalauréat le professionnel qu’il sera dans quatre ans, comme dans l’étudiant à la M.A., et surtout au Ph.D., le futur chercheur qu’il deviendra un jour. Je suis souvent ravie de constater chez plusieurs d’entre eux une passion véritable pour le métier d’enseignant et j’aime les entendre raconter les expériences qu’ils vivent en stage ou dans leur pratique professionnelle, des expériences qui viennent alimenter ma propre réflexion sur le monde de l’éducation. Et je ne peux m’empêcher de penser, lorsque je regarde mes étudiants, aux milliers d’enfants qui seront marqués par eux, de façon positive ou négative. C’est alors que je réalise à quel point la tâche qu’ont les professeurs en sciences de l’éducation, celle d’essayer d’être des modèles d’excellence en enseignement, est exigeante et lourde de conséquences.

 

Ma conception de l'importance de la didactique du français

Si j’ai voulu devenir professeure en sciences de l’éducation, c’est à cause de ma passion pour la qualité de la langue française en contexte québécois : j’ai en effet l’impression que c’est beaucoup (mais non exclusivement) grâce à l’école que cette qualité s’améliorera et qu’en formant les enseignants actuels et futurs à mieux enseigner la langue, on verra à moyen et à long terme un impact sur le français des Québécois. Parler et écrire correctement sa langue n’est pas pour moi un objectif en soi – une conception qui me semble bien réductrice, d’ailleurs. Il s’agit plutôt d’un moyen puissant pour raffiner ses idées, approfondir ses connaissances dans tous les domaines, faciliter son apprentissage d’autres langues, bref, pour pousser plus loin les limites de son univers, ce que je souhaite au plus de citoyens possible. En enseignant la didactique du français à l’université, j’ai donc l’impression de participer à l’amélioration de la qualité de la langue dans notre société et, ce faisant, la sensation " modeste " de changer un peu le monde.

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