Les études africaines en science politique
Cours du 15 janvier 2001
Rapport
No I
présenté au
professeur Mamoudou Gazibo
par
Rémi Landry, LANR01045106
dans le cadre du cours POL 6417
SYSTÈMES POLITIQUES AFRICAINS
le 15 janvier 2002
"De manière plus générale la question est donc
toujours : comparables par rapport à quelles propriétés ou caractéristiques
et incomparables(par exemple par trop de différence) par rapport à quelles
autres propriétés ou caractéristiques. L'important est de retenir que
comparer c'est à la fois assimiler et différencier par rapport à un critère."[1]
Sartori dans son article "Bien comparer, et mal comparer", résume bien la problématique de cette première discussion sur les études africaines en science politique. Les textes proposés[2] abordent, chacun à leur façon, les aspects épistémologiques des études africaines, s'attardant à la dimension du comment l'Afrique devrait être étudiée. En effet, les auteurs font le tour de cette épineuse question que Sartori[3] lie à l'aspect d'incommensurabilité des concepts. Plus précisément, aux capacités analytiques et associatives qui sont habituellement générées par des études de type idiographique ou nomothétique. En effet, les trois textes analysés procèdent à un bref état de la question sur ces aspects. Ils offrent des conclusions qui, tout en reconnaissant la spécificité du continent africain, démontrent, chacune à leur façon, qu'il est possible de l'étudier scientifiquement, moyennant la prise en considération de certains aspects contextuels, même avec un cadre d'analyse d'origine occidentale, dans la mesure où la construction de ce dernier rassemble logiquement les aspects contextuels et comparatistes que l'on veut étudier[4].
Notre constat procédera donc, en abordant succinctement chacun des textes étudiés, à commenter leur aspects convergents. Nous le ferons en cherchant, avant tout, à mettre en évidence les similarités. Cette description se limitera à évaluer les caractéristiques de cette entité politique qui se prêtent à son étude scientifique, le tout à l'intérieur du champ de politique comparée de la science politique. En conclusion, nous chercherons à qualifier cette capacité, au moyen du degré de similarité détecté chez les textes.
L'Afrique
en Politique comparée
Dans l'Afrique en
Politique comparée, son auteur cherche avant tout à présenter l'Afrique comme
un objet d'étude comme les autres [5],
tout en dénotant la nature institutionnelle, plutôt faible, de la politique
comparée et de la science politique en Afrique et qu'il est plus facile de l'étudier
à partir de l'étranger.[6]
Ce constat présente certains inconvénients, dont celui de considérer
l'Afrique à travers des cadres conceptuels et des schémas théoriques qui ne
sont pas pleinement indigènes, contribuant ainsi à fausser l'analyse
scientifique.[7]
L'auteur par la suite nous offre une brève rétrospective des divers cadres
d'analyses qui furent utilisés pour étudier l'Afrique et qui correspondent aux
divers modèles et cadres conceptuels développés par les occidentaux.
Dans les années
60-90 ce sont les grandes théories sur l'État et le développement qui
inspirent les recherches en politique comparée : le modèle fonctionnaliste du
développement politique, (le développementaliste centre-périphérie); les
cadres conceptuels sur l'État et le pouvoir africain, pour mettre en évidence
la spécificité des invariants de la politique africaine, trop souvent perçu
à travers une certaine homogénéité territoriale.
Avec les années 90
apparaît une nouvelle thématique de recherche, associée au phénomène de démocratisation
sous une conceptualisation de transition. Concept qui, sans être totalement
novateur, s'inscrit dans une mouvance englobant les anciens pays communistes.
Cette époque marque aussi une affirmation croissante de la production indigène
de travaux scientifiques, mais qui demeure toujours sous développée. Ce
renouvellement a pour effet de stimuler le champ d'études pour les
comparatistes, même si ce phénomène de transition démocratique se traduit
chez plusieurs états africains par une stagnation et même régression démocratique
dans plusieurs cas. [8]
Par la suite,
l'auteur termine son texte par une controverse épistémologique qui semble
toujours animer les débats scientifiques, à savoir si la nature de l'Afrique
lui confère un statut banal ou singulier. En effet, on nous présente les
fondements de cette argumentation en relation avec la présente thématique de
la démocratisation. L'auteur termine sans pour autant prendre partie pour un
camp en particulier, même si sa description du débat épistémologique
favorise la thèse de la banalité.[9]
Par contre, l'auteur conclue par un acte de foi, à l'effet que "La place
de l'Afrique dans la politique comparée est incontestablement à reconstruire
,… "[10].
La science politique africaniste et le statut théorique de l'État
:
un
bilan négatif
Son auteur fait le procès de l'État importé, qu'il juge inapproprié comme cadre théorique pour étudier l'Afrique, comme modèle de construction politique. Il cherche ainsi à diaboliser cette approche occidentale en démontrant las fausseté de deux perpectives occidentales sur l'État africain: soit les étiquettes d'État politique du ventre et d'État néo-patrimonial. En effet, ce faisant l'auteur cherche à démontrer l'inadaptabilité du concept importé de l'État-nation[11] pour étudier la formation de l'État sur le continent africain.
Pour ce faire, sa démarche s'articule principalement sur la démonstration des lacunes de l'État-nation à prendre en compte les réalités africaines et il conclue en nous proposant un modèle d'État ajusté à la spécificité culturelle africaine, qu'il introduit sous l'appellation de l'État multi-national.
C'est ainsi que l'auteur, dans une première partie, dénonce les fondement du concept de l'État politique du ventre, associé à J.- F. Bayard , en démontrant que la corruption endémique que l'on retrouve dans l'État africain n'origine pas du passé culturel négro-africain, comme on semble l'affirmer. Mais bien au contraire, il est le résultat de l'accroissement de la misère dans toutes les couches sociales, phénomène à la source de cet l'individualisme grandissant. Cette persistance à vouloir trouver racine à cette corruption endémique dans le passé pré-colonial témoigne bien d'une méconnaissance de l'Afrique.[12]
Par la suite, l'auteur s'attaque la théorie de l'État néo-patrimonial de J.F. Médard, concept également associé à ceux d'étatisation-désétatisation[13]. Médard cherche à démontrer, entre autres, que la crise de l'État africain est avant tout financière, se trouvant de plus dans une incapacité endémique à générer le niveau de croissance requis pour soutenir et émanciper l'État[14]. Tshiyembe contre argumente en revendiquant que, finalement, c'est la nature du modèle de l'État-nation qui se révèle inapte tant aux logiques sociales, aux structures et acteurs des sociétés africaines plurales qu'à ceux de la mondialisation. Il conclue cette section en montrant la désuétude de l'État-nation face à la mondialisation, et en donnant en exemple la transformation de l'État en Europe au moyen de l'Union européenne.
Par la suite l'auteur nous introduit à son concept d'État pour l'Afrique, qu'il qualifie de multinational ou d'État postnational. Réaffirmant les objectifs de cette organisation politique quant à la promotion du progrès humain. Son concept étatique s'articule sur une base pluraliste du pouvoir, s'appuyant sur des institutions qui tirent leurs origines d'aspects culturels précolonials, comme celui du conseil des sages. L'auteur développe, de façon détaillée, les composantes politiques de son concept qu'il fonde sur une triple fédérations, composé des nations, des citoyens et des terroirs. Ce faisant, il conçoit un concept de l'État qui, tout en étant distinct mais comparable à l'État-nation, se veut représentatif des réalités africaines.
L'auteur termine son article en réaffirmant que le bilan de la théorisation de l'État africain est négatif, étant conséquent à l'attitude occidentale, des plus enracinés, associée à ce qu'il qualifie de "l'exceptionnalité africaine du vide"[15]. Ce qui a entraîné la notion de l'État africain comme étant un objet scientifique non identifié (OSNI); générant ainsi une quête inlassable sur les raisons de la faillite du modèle de l'État-nation en Afrique, reniant de par ce fait l'existence d'un État précolonial. L'auteur conclue en avançant finalement que ce n'est que par la réappropriation de l'État, à l'intérieur d'un concept tel que celui de l'État multinational, que l'Afrique sera en mesure de faire face à la mondialisation et de reprendre sa place en tant qu'acteur de sa propre histoire.
Six
personnages en quête d'un africanisme
L’auteur de "Six
personnages en quête d’un africanisme"[16],
cherche avant tout à mettre en évidence entre autres deux aspects sur les études
africaines, qui selon lui nuisent grandement à la progression et à
l’africanisation de ces dernières :
A)"Les
études africaines se sont certes africanisées mais elles restent néanmoins
soumises, sous une forme directe ou indirecte, aux préoccupations
extra-africaines. "
B)
"Pour ce faire, la connaissance exacte de notre patrimoine est
indispensable et l’absence de consensus à ce propos semble plus grave qu’il
n’y semble"[17].
Nous tenons à vous aviser que nous n'avons pas les connaissances requises pour pleinement analyser l'étendue de ce texte, principalement les critiques que l'auteur fait des divers personnages, son analyse sera donc réduite à ce que nous avons pu en comprendre.
Nous sommes donc d'avis que l’auteur cherche avant à démontrer la validité de ces affirmations au moyen de six personnages /constats sur les études africaines, dont les perpectives avancées, tout en ne rendant pas justice à la spécificité africaine, handicapent sérieusement la progression de son étude. Bref, il fait le procès de, ce qui nous semble être courants qui sont présentes à des degrés divers dans les six études analysées.
L'auteur réfute la perpective selon laquelle l’Afrique est perçue comme un entité homogène, favorisant son étude en diverses régions qui possèdent des caractéristiques et dynamiques différentes. Par la suite, il questionne le statut des études uni- disciplinaires tant à partir d’une perspective anthropologique et /ou historique, leur reprochant leurs manque de rigueur, leurs limites analytiques, et la nature stérile, non-progressive de leurs débats.
En conclusion, il semble
plus s’associer aux propos de son dernier personnage qui, contrairement aux
autres, arbore une approche multidimensionnelle, malgré son positionnement en
marge : "Le politicologue explique
que la science politique africaniste vit dans les marges de la discipline et il
n’y voit, paradoxalement, que des avantages. Notons d’ailleurs qu’il se
met constamment sous la protection de l’anthropologie et de l’histoire …
".[18]
Conclusion
En conclusion, la lecture de ces trois textes met en évidence la banalité de l’Afrique comme objet d’étude en politique comparée, en assumant que l'on sera respecté les règles de comparaisons, tout en lui reconnaissant une nature propre et une diversité régionale. Certes, on a aussi fait état de la situation précaire des chercheurs africains, mais on reconnaît l’amélioration progressive de travaux scientifiques indigènes, et du besoin de l'intervention étrangère si l'on tient à faire progresser le statut des sciences politiques en Afrique.
BIBLIOGRAPHIE
Copans,
Jean, "Six personnages en quête d'un africanisme", Politique Africaine, no. 69, 1998, p. 89-108.
Gazibo,
Mamoudou, "L'Afrique en Politique comparée", Polis, camerounaise de science politique, vol. 8, Numéro Spécial,
2001, p. 1-17.
Howard
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Comparative Politics : Rationality,
Culture and Structure, Lichbach, Mark and Zuckerman (eds), Cambridge
University Press, 1997, Part 2, p. 42-80.
Katznelson,
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Configuration in Comparative politics",
Comparative Politics :
Rationality, Culture and Structure, Lichbach, Mark and Zuckerman (eds),
Cambridge University Press, 1997, Part 2, p. 81-112.
Levi, Margaret,
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Lichbach, Mark and Zuckerman (eds), Cambridge University Press, 1997, Part 2, p.
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Tshiyembe, " la science politique africaniste et le statut théorique
de l'État : un bilan négatif", Politique
Africaine, no. 71, octobre 1998, p. 109-132.
Sartori,
Giovano, " Bien Comparer, Mal Comparer", Revue
International e de Politique Comparée, Vol. 1, No. 1, 1994, pp. 19-36.
[1]Sartori,
Giovano, " Bien Comparer, Mal Comparer", Revue
Internationale de Politique Comparée, Vol. 1, No. 1, 1994, p. 22.
[2]Copans,
Jean, "Six personnages en quête d'un africanisme", Politique
Africaine, no. 69, 1998, p. 89-108 ; Gazibo, Mamoudou, "L'Afrique
en Politique comparée", Polis,
camerounaise de science politique, vol. 8, Numéro Spécial, 2001,
p. 1-17, et ; Tshiyembe, Mwayila, " la science politique africaniste et
le statut théorique de l'État : un bilan négatif", Politique Africaine, no. 71, octobre 1998, p. 109-132.
[3] Sartori, Op.Cit., p. 30-31.
[4] Sartori explique cette dimension, qui peut sembler conflictuelle, en démontrant par analogie, entre autres, de quelle façon le concept de corruption pourrait être abordé, si l'on tient à l'étudier et à le comparer entre pays occidentaux et pays en voie de développement. Ibid., p. 32.
[5] "l’Afrique est-elle un objet comme les autres ou un objet singulier et irréductible ?", voir Gazibo, op. cit., p. 2.
[6] "Faire un travail comparatif devient autrement plus difficile dans ces conditions et il est bien paradoxal de constater qu’il est de loin plus aisé de travailler sur l’Afrique dans une perspective comparative en s’installant au Centre d’études d’Afrique noire de Bordeaux, dans un centre d’études africaines d’un pays nordique ou des États Unis, qu’en restant dans les pays étudiés.", ibid., p. 4.
[7] Ibid., p. 5.
[8] Mais ces cas contrastés constituent eux= mêmes pour les comparatistes, de nouvelles préoccupations car la comparaison vise par essence, à trouver des régularités et des distorsions entre les cas en vue de parvenir à des généralisations et des transformations théoriques. Ibid., p. 12
[9] "Il
semble donc que deux arguments au moins militent en faveur de la position défendant
une banalité de l’Afrique en tant qu’objet de recherche, …". Ibid.,
p. 14
[10]
Ibid.,
p. 15,
[11]
Tshiyembe, op. cit., p. 110.
[12]
Ibid.,
p. 115.
[13]
Ibid.,
p. 117.
[14]
Idem.
[15]
Ibid.,
p.131.
[16]
Copans, op.cit.
[17] Ibid.,
p. 90.
[18]
Ibid.,
p. 107.