Pour l’auteur, il est erroné de penser que le
droit constitutionnel puisse apporter une solution aux crises politiques
de l’Afrique. Les constitutions africaines comportent bien des mécanismes
de préventions de crise, mais ces textes fondamentaux restent trop
souvent inappliqués et ne sont pas toujours respectés.
Consacré au début des indépendances , le
droit constitutionnel a été réduit à sa plus simple expression avec
la montée des autoritarismes
dès 1963. Avec les coups d’état et les dictatures qui se sont
installés, il ne servait plus qu’à légitimer les régimes
monolithiques. Mais cette situation était variable selon les pays. Les
constitutions étaient plus ou moins respectées.
L’années 1989 avec le début des
transitions démocratiques marque un nouveau tournant pour l’histoire du
droit constitutionnel en Afrique. La proclamation de l’état de droit
dans plusieurs pays africains place la constitution au cœur de la résolution
des conflits politiques africains. Le recours à la violence et aux
solutions politiques n’est plus systématique. Les mécanismes
juridiques inscrits dans les constitutions sont de plus en plus utilisés
et dans certains cas, ce recours juridique est même systématique, ce qui
en fait des systèmes presque juridictionnels.
Lors de ces premières années de démocratisation,
la constitution a constitué l’un des principaux enjeux des crises
politiques. Le passage d’un régime autoritaire à un régime démocratique
requérait l’élaboration de nouvelles constitutions garantissant les
principes démocratiques. Ce qui constituera l’un des principaux chevaux
de bataille des fameuses conférences nationales.
La définition du nouveau régime par la
constitution ne se fait pas sans mal et est à l’origine de conflits.
C’est le cas à Madagascar où le pouvoir et l’opposition
s’affrontent en 1991 et finissent par trouver un compromis en amendant
simplement la constitution du 31 décembre 1975, ce qui permet à aboutir
à un changement de régime en 1992.
Un renouveau constitutionnel est observé un
peu partout en Afrique. Divers attributs de la démocratie comme des
techniques de contrôle politique des gouvernements, des systèmes de
contrôle de constitutionnalité, le multipartisme, des mécanismes garantissant des droits fondamentaux sont inscrits dans les
constitutions. Ces dernières reconnaissent l’existence de conflits sur
la scènes politique et se dotent des moyens de prévention et de résolution
des crises. Le multipartisme et les processus électoraux permettent aux
nouvelles constitutions de se mettre en pratique. Une fois de plus
les résultats et les conséquences de ce renouveau ne sont pas les mêmes
dans tous les pays.
L’auteur note que les débats politiques
sont de plus en plus portés sur le terrain du droit et les acteurs
politiques accordent une plus grande importance aux considérations
juridiques et se réfèrent plus à la constitution en cas de divergence.
Sous la double pression de l’opinion
publique interne et de la communauté internationale, la recherche de légitimité
par la légalité devient une norme. Les juges jouent de plus en plus leur
le rôle de médiateurs gardiens de la constitution dans les conflits. Les
cours et les tribunaux constitutionnels nouvellement crées prennent un
place de choix sur la scène publique, une fois de plus cette affirmation
est nuancée par l’auteur qui note que cela dépend des pays. Dans
certains pays la cour constitutionnelle devient un acteur très influent
de la scène politique, les tribunaux sont sollicités plusieurs fois en
un laps de temps très court et prennent des décisions déterminantes
pour la poursuite du processus démocratique. Au Bénin, elle reconnaît
la constitutionnalité de la création de la commission électorale
autonome en 1995, malgré l’opposition du Chef de l’État. Au Niger,
elle arbitre une cohabitation houleuse
au cours de l’année 1995. En Côte-d’ivoire elle tranche la
controverse entourant la succession de F.Houphouet Boigny.
Pour l’auteur. Ces interventions
judiciaires sont la preuve de la «juridicisation» du débat politique
sous l’État de droit en Afrique, évitant ainsi des affrontements
politiques. Mais tout ceci peut aussi être un voile qui couvre des
affrontements en sourdine.
Si le recours judiciaire est souvent utilisé
pour arbitrer des conflits, il sert aussi souvent de simple stratégie
dans l’action politique. Cette hypothèse est illustrée par l’auteur
par la motion d’empêchement contre A. Zafy, le premier président de la
troisième république malgache. En 1996. Cette mesure extraordinaire, déclarée
par la cour constitutionnelle à cause des dérives autoritaires du président
aurait pu être remplacée par une simple motion de censure de l’Assemblée
nationale, mais ce choix aurait permis à M. Zafy de contrer cette mesure
en dissolvant l’Assemblée . Les événements auraient pu prendre la même
tournure en 1996 au Niger si l’armée n’était pas intervenue avant.
Si aujourd’hui le
constitutionnalisme est accepté de tous en Afrique, il demeure encore
fragile. Les recours judiciaires de plus en plus nombreux sur le continent
dans le débat politique sont trop souvent stratégiques et cachent mal
des enjeux politiques. Il ne s’agit pas toujours de faire respecter les
dispositions constitutionnelles, mais plutôt d’affaiblir des
adversaires.
M.
de Gaudusson souligne les limites des recours au droit en se posant
quelques questions :
-
la préférence systématique accordée au mode de régulation
juridique et judiciaire, au détriment des modes politiques, ne
traduisent-elles pas un refus d’un compromis politique qu’illustre la
crise nigérienne?
-
Instrumentalisé par des acteurs politiques, le droit n’en
vient-il pas à être saisi par la politique et à ne plus assurer sa
fonction pacificatrice?
En
outre les constitutions de la plupart des pays africains recèlent de
contradictions et de lacunes qui couvent
de potentiels conflits.
Malgré ces limites, l’auteur pense que les
recours au droit participent à l’intériorisation de la constitution et
à l’État de droit, et se sont préférables à l’utilisation de la
force comme moyen de régulation politique. Toutefois, l’un n’exclut
pas l’autre.
L’essai de M. de Gaudusson est une très
bonne analyse de l’Évolution du droit constitutionnel et de
l’importance désormais accordée à la constitution en Afrique. Cette
étude a l’intérêt d’être nuancée. En effet., l’auteur insiste
sur la différence de trajectoire selon les pays. Il note aussi les
limites et les dérives que peuvent contenir les recours systématiques au
droit constitutionnel. Avec l’exemple du Niger, il montre bien que ces
recours ne mettent pas les États à l’abris de la violence politique.
M. de Gaudusson en critiquant
l’opportunisme politique derrière les recours judiciaires en Afrique,
peut laisser penser qu’il s’agit là d’une spécificité africaine.
Cela n’est pas tout à fait vrai. L’exploitation politique des «affaires»
en France et même au Québec ou encore les mesures d’empêchement au États-Unis
et aux Philippines ces dernières années sont la preuve du contraire.
L’exploitation du judiciaire par le politique est considérée comme «une
pratique de bonne guerre» et sert à affaiblir des adversaires politiques
dans toutes les démocraties.
Pour ce qui est des lacunes et des
contradictions contenues dans les constitutions africaines, il s’agit là
aussi d’un fait observé partout dans le monde. Il n’existe pas de
constitution parfaite capable de mettre un système à l’abris de tout
conflit. Ce qu’on peut considérer comme des limites ou des
contradictions dans les textes, perçues d’un point de vue optimiste
sont des sources qui alimentent des les débats politiques nécessaires au
bon fonctionnement de la démocratie.
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D’entrée de jeu l’auteur appelle à une révision
de la lecture des élections en Afrique. En effe,t il dénonce le peu
d’intérêt porté aux élections dans la politologie africaine et le
manque de problématique dans les approches des comptes-rendus des événement
électoraux africains. En outre, il note une méfiance intellectuelle sur
les méthodes d’analyse des événements électoraux africains.
L’instabilité des régimes démocratiques,
les mauvaises expériences électorales et le retour des autoritarismes
sont d’autres facteurs qui minent les recherches sur les élections en
Afrique et expliquent le peu d’investissement qui y est consacré.
Pour
l’auteur, si on note une floraison extraordinaire des études politiques
sur l’Afrique, le sujet n’a pas encore été banalisé. Les hypothèses
et les méthodes de la «science politique classique» ont encore de la
peine à y être appliquées, ce qui constitue une lacune.
En voulant ainsi trop se démarquer de la «science
politique classique», l’analyse du politique en Afrique se prive des
outils du comparatisme, pourtant nécessaires à son épanouissement. En négligeant
les la démocratie électorale, les politologues africanistes renforcent
les préconçus sur les «cultures
locales»qui ne sont pas toujours forcement compatibles avec la
rationalisme des sciences sociales Cela pousse l’auteur à penser que
les situations électorales africaines devraient être banalisées, tout
en tenant compte des contextes particuliers.
Une frontière naturelle n’existant pas
entre élections compétitives et élections non-compétitives, l’auteur
propose qu’on analyse les élections par rapports à des types idéaux définissant
des élections compétitives. Pour lui les élections ne sont qu’une
variable dans la compréhension des électeurs, et dans les élections
non-compétitives le pouvoir n’est pas forcement dans le urnes. La
parfaite compétition restant un idéal même pour les démocraties
occidentales, l’auteur analyse les élections africaines comme
n’importe qu’elle élection sous d’autres cieux.
La pratique électorale en Afrique n’est
pas forcement considérée comme l’expression d’un rite social par la
population. Là où les élections ne sont pas justes, il ne faut pas les
prendre pour des pratiques institutionnalisées. Elles peuvent représenter
autre choses.
Pour l’auteur, même si les élections régulières
ne sont pas un gage de progrès social et de redistribution de richesse,
il est intéressant prendre comme référence la démocratie électorale
et comme cadre théorique l’analyse stratégique pour comprendre l’échange
électoral en Afrique. Ce choix méthodologique se rapproche de la définition
procédurale de la démocratie qui met l’accent sur le processus électoral
et non sur les performances du régime. Cette approche doit aussi se départir
des explications culturalistes qui compliquent davantage l’analyse du
politique en Afrique. Il note aussi le fait que les recherches sur les élections
en Afrique mentionnent toujours des reformes socioculturelles nécessaires
à la bonne tenue des élections, d’où la tendance dans ces études ne
stigmatiser que les imperfections et les inadaptations.
S’il est vrai que la fin plus ou moins
heureuse des transitions a freiné l’ardeur des débats sur la démocratisation
en Afrique, les comparaison Nord-Sud et Sud-Sud se révèlent encore très
utiles pour cerner la question électorale
sur le continent. Pour mener à bien ces recherches, l’auteur
propose pour des études comparatistes l’élargissement du champ d’étude
en incluant les expériences électorales des cinquante dernières années
en Afrique, et non se limiter aux seuls scrutins de 1990-1993.En procédant
ainsi, il repère trois grandes catégories d’anomalie dans les scrutins
africains :
-
celles qui décèlent à l’absence de discipline ou d’intériorisation
des normes de
bonne conduite et qui posent le problème en termes de
non-institutionnalisation de la loyauté politique
-
celle qui touchent aux difficultés de l’organisation et de la
mobilisation partisane et qui déplorent l’absence de scène politique;
-
enfin, le problèmes liés à la production des représentations et
des choix.
Cette
liste d’anomalies semble classer les scrutins africains dans une catégorie
exceptionnelle dans l’analyse du politique, mais l’auteur appelle à
un démarche critique et à une vision relativiste.
Ailleurs dans le monde où la démocratie a
plus de succès, on est passé par cette étape d’institutionnalisant du
modèle. Il note par ailleurs que les imperfections des pratiques électorales
persistent et sont même
permanentes dans «les démocraties les plus avancées». Sans rejeter la
spécificité des élections africaines, l’auteur soutient que les pays
qui sont cités comme exemple en matière de démocratie connaissent des
problèmes similaires dans leurs processus électoraux en ce qui concerne
les normes de loyauté politique, la mobilisation partisane, les interférences
identitaires remettant en cause l’individualisation du vote. Pour mieux
cerner les situations électorales de l’Afrique, il propose deux hypothèses :
-
la fraude électorale comme élément constitutif du «marché
politique» avant d’être une pratique anormale;
-
la violence électorale comme forme non-conventionnelle
de participation politique plutôt qu’indice d’un refus de procédures
démocratiques.
Pour l’auteur, comme dans d’autres échanges
sociaux, la loyauté ne peut être garantie, même pas par le vote pour ce
qui est du politique. Les démocraties ont ainsi besoin d’une discipline
spécifique pour faire face aux multiples pressions auxquelles elles sont
contraintes, notamment la fraude et la violence.
L’institutionnalisation d’une discipline
électorale mettant à l’abris le processus
électoral des dérives n’est pas le seul fait d’une expérience
plusieurs fois répétées. Pour que le processus électoral ne débouche
pas sur une crise politique, il faut que les acteurs politiques intériorisent
tous que la voie électorale est la seule qui donne qui donne accès au
pouvoir. Il insiste sur le respect des règles de légitimité par voie électorale.
Pour lui les déviance observées dans les systèmes africains ne sont pas
unique à l’Afrique.
Ces déviances (fraudes, corruption,
violence…) révèlent l’existence
d’une certaine compétition dans les système à parti dominant que
l’on connaît sur le continent, compétition inexistante dans les système
à parti unique où il n’y a pas un pluralité de choix. Dans le premier
système, le parti dominant est bousculé dans ses derniers retranchements
et a parfois recours à la ruse ou à la violence pour que le pouvoir ne
lui échappe pas. Selon l’auteur, ces déviances, existent encore dans
les démocratie occidentales, mais à un niveau moindre.
Les enjeux des élections ne se
sont pas forcement cerner en focalisant l’attention sur les
fraudes. La question qu’il faut se poser est celle de savoir si
l’alternance est possible dans le système, d’où l’intérêt porté
par certains auteurs (Bratton et van de Walle) sur l’alternance au
sommet et le peu d’importance accordé à la fraude quand un changement
est possible. Le catalogue des type de fraude en France au XIXème siècle
est semblable à ce que connaît l’Afrique de nos jours. L’auteur évoque
d’ailleurs à ce propos l’hypothèse d’une contagion coloniale. Il
pense que scrutins africains sont sévèrement jugés, car cela se fait
sur les mêmes bases que les démocraties occidentales, pourtant ces dernière
ont pris pratiquement un siècle pour institutionnaliser leurs élections.
Les déviances qui y persistent n’empêchent pas le fonctionnement de la
démocratie électorale.
Dépassant les préconçus, l’auteur ne
voit pas la violence électorale comme un trait culturel africain
exprimant le rejet de la démocratie électorale. Il émet l’hypothèse
qu’il s’agit d’une forme non-conventionnelle de participation
politique contrairement à l’abstentionnisme et à «l’exit option»
qui s’assimileraient mieux à de la non-participation.
La violence électorale serait ainsi de la
participation politique qui tourne en confrontation .La brutalité observée
dans cette confrontation ne peut se comprendre qu’en tenant compte des
valeurs en vigueur dans les sociétés. Ces valeurs sont variables selon
les individus. Les actions collectives de violence exprimeraient aussi un
participation et feraient partie du répertoire de la manifestation
politique. Ces aussi le cas des expressions symboliques de la violence que
l’on retrouve dans les discours et à travers certains gestes, et
l’auteur de soutenir qu’il n’y a pas de vote sans un minimum
d’indiscipline. Il affirme que dans les sociétés où la violence est
quelque chose d’ordinaire, la démocratie électorale ne pourrait être
menacée par la violence électorale qui n’est qu’une continuation de
cette violence ordinaire.
Tout comme la fraude, la violence s’accroît
avec la compétition et montre l’intérêt des enjeux. Il note une
diminution de la violence électorale lors des deuxièmes élections après
les transitions africaines. Cette baisse s’explique en partie par la démobilisation
des masses et la restauration des régimes autoritaires, donc un manque
d’enjeu.
La
violence électorale s’explique ainsi par la non-institutionnalisation
du vote qui demeure un acte insolite et non rituel. Pour faire y mettre
fin, l’auteur propose que les élections soient prises en charge par des
institutions fonctionnant bien et respectées des électeurs, ainsi elles
seront soit familières, soit enveloppées d’une aura. Or cette tâche
ne se fait pas aisément en Afrique parce que certains acteurs politiques
ont recours à la violence pour se maintenir au pouvoir.
L’auteur conclut son essai en donnant des
pistes de réflexion supplémentaire pour mieux comprendre la dynamique
des élections en Afrique :
-
est-ce la contestation du résultat des urnes ne correspond pas le
plus souvent à l’absence de stratégie de remplacement du perdant plutôt
qu’à une incompréhension de la procédure démocratique?
-
Le clientélisme et l’achat des voix n’empêchent pas le
fonctionnement de la démocratie électorale si le marché politique est
libre et privatisé, c’est à dire sans monopole empêchant la compétition;
-
Le vote communautaire n’est pas un obstacle à l’établissement
de la démocratie électorale, il ne fait que précéder
l’individualisation du vote.
Le
texte de M. Quantin se lit comme un appel à plus de relativisme dans les
analyses des élections en Afrique. En effet l’auteur révèle que les déviances
observées dans les processus électoraux africains sont la preuve de
l’existence d’une certaine compétition ce qui n’était pas le cas
sous les régimes monolithiques. En outre il ajoute que les fraudes et
autres violences électorales sont aussi observées dans les démocraties
occidentales. Il illustre sont propos en se référant à la situation électorale
dans la France et l’Angleterre du XIXème siècle et aux pratiques
douteuses encore en cours en France et note que le vote a été
institutionnalisés après plus d’un siècle dans ces pays.
En affirmant que les déviances dans le
processus électoral n’empêchent pas forcement le bon fonctionnement de
la démocratie électorale et qu’il faut surtout s’intéresser à la
possibilité de l’alternance, l’auteur prend position pour la démocratie
procédural et néglige l’impact du processus sur les masses. Nous
pensons qu’il y’a de bonne raison de croire que dans certains cas les
violences et les fraudes électorales nuisent dangereusement la démocratie.
Elles concourent à la démobilisation des masses et aboutissent à la non
participation politique.
Si l’auteur a raison d’affirmer que les déviances
sont permanentes dans tous les processus électoraux, sa comparaison des
cas africains contemporain avec l’Europe du XIXème siècle peut être
sujette à controverse.
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