(26 février) Les obstacles à la démocratisation : la variable économique

Pierre-Yves Le Corvaisier (2ème rapport de lecture)

Démocratisation et politiques d’ajustement structurel : antinomie ou concomitance ?
Les théories face à la pratique

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Introduction


I- Les institutions financières internationales et les politiques d’ajustements structurels

A-    Les années 80 : les PAS et le « consensus de Washington »
B-   Le tournant de 1989 : la « bonne gouvernance »


II- Démocratisation et ajustement : les théories
A-    Les pessimistes
B-   Les optimistes


III-   Démocratisation et ajustement : la pratique
A-    L’enquête de John Serieux dans 17 pays africains
B-   Le cas du Ghana étudié par Kwane Boafo-Arthur


Conclusion



Introduction 

Au début des années 80, de nombreux pays africains subissent de plein fouet les retombées des chocs pétroliers des années 70. Pour sortir de l’impasse économique dans laquelle ils se trouvent, les institutions financières internationales issues des accords de Bretton Woods, c’est-à-dire la Banque mondiale et le Fond monétaire international, proposent des programmes d’ajustement structurels contre une aide financière. Ces programmes deviendront vite impopulaires dans l’opinion internationale du fait notamment du soutien passif de ces institutions aux régimes autoritaires locaux. Il apparaît aux yeux de beaucoup que les politiques d’ajustement sont incompatibles avec la démocratie, que ce soit pour dénoncer ces programmes ou au contraire pour s’inquiéter des processus démocratiques. Cependant en 1989, ces institutions effectuent un changement en introduisant l’idée de conditionnalité politique et en faisant la promotion de la démocratie.

Dès lors, il convient de s’interroger sur la relation entre les politiques d’ajustement et les transitions démocratiques : sont-elles compatibles ou au contraire les unes peuvent-elles représenter une menace pour les autres ? À la lumière des deux textes à étudier, le texte de John Serieux et celui de Kwane Baofo-Arthur, j’ai voulu présenter cette question en introduisant d’abord l’évolution des politiques de la Banque mondiale et du FMI, du « consensus de Washington » à la « conditionnalité politique », puis, après avoir évoqué les théories touchant à la relation entre démocratie et ajustement, en présentant les conclusions empiriques de Serieux et Baofo-Arthur relativement à leur sujet étudiés.

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I-                   Les institutions financières internationales et les politiques d’ajustements structurels

 Quand les institutions financières internationales (IFI), comme la Banque mondiale ou le Fond monétaire international (FMI) ont mis en place les programmes d’ajustement structurel (PAS), le but était de faciliter les crises économiques à retrouver une croissance durable en quelques années (Serieux, 521).

 

A-    Les années 80 : les PAS et le « consensus de Washington »

 

Les PAS sont des programmes de réforme de politiques économiques proposées par les IFI issues de Bretton Woods en réponse aux crises subies par certains pays en développement (PED) après la seconde crise pétrolière de 1979. La Banque mondiale a identifié trois types de facteurs de la crise subie par ces PED : des facteurs structurels, c’est à dire des circonstances historiques et environnementales comme les héritages des périodes coloniales et post-coloniales, des mauvaises conditions naturelles ou l’explosion démographique ; des facteurs externes comme les termes de l’échange en déclin et la faible croissance du commerce des matières premières ; des facteurs internes comme des politiques commerciales contre-productives, des taux de change inappropriés, une politique de prix agricoles inadaptée. En définitive pour les IFI l’Afrique était par nature défavorisée mais qui plus est son histoire et ses pratiques post-coloniales dirigistes avaient exacerbé ces aspects négatifs (id. 523). Ainsi les PAS consistaient à corriger les politiques pratiquées en Afrique afin de créer un environnement favorable à une croissance durable. Les mesures à prendre consistaient essentiellement à adopter des politiques commerciales et de change plus adéquates, à utiliser plus efficacement les services publics et à améliorer les politiques agricoles.

Dans le cas du Ghana, le parti au pouvoir, après avoir adopté le socialisme, effectue un tournant en embarquant dans un PAS en partenariat avec la Banque mondiale et le FMI. Par la suite de 1983 à 1992, le Ghana subit six programmes de réformes, une lourde politique d’austérité et une répression féroce par le pouvoir (Boafo-Arthur, 46). Le Ghana connaissait de graves problèmes socio-économiques : une agriculture défaillante, des entreprises nationales inefficaces, une instabilité politique faisant fuir les investisseurs étrangers ainsi qu’un environnement défavorable avec de graves incendies ayant détruit des cultures, une arrivée en masse de Ghanéens expulsés du Nigeria, une trop forte dépendance économique vis-à-vis du bloc communiste, et l’inexistence de cerveaux capables de proposer des mesures appropriées (id. 46-48).

Sachant que les programmes des IFI sont le reflet de l’idéologie néo-libérale incarnée par le consensus dit « de Washington », cela voulait dire que dans la pratique les États devaient libéraliser le commerce et les régimes de change, réduire le poids de l’État et libéraliser les prix agricoles. Les PAS étaient à l’origine une prérogative de la Banque mondiale. Cependant, du fait de l’importance de la stabilité monétaire dans la réussite des PAS, la Banque mondiale a du coordonner sa politique avec celle du FMI. Les aides de ces deux institutions allaient de fait au-delà de la stabilisation et de l’ajustement structurel, il s’agissait de fait de libéraliser les économies (Serieux, 524).

Cela étant, on constate que seule l’île Maurice a vraiment atteint les objectifs. Le fait que ces ajustements aient été sans cesse réajustés au cours des années est un aveu d’inefficacité (id. 522). Ainsi les conditionnalités n’ont cessé de changer au fil des ans, ce afin de répondre aux fortes critiques internationales portant sur les conséquences notamment sociales de ces PAS. Les IFI ont ainsi cherché à porter un peu plus d’attention à l’environnent africain et à sa capacité à supporter les conséquences de telles politiques. Le dernier de ces réajustements et probablement le plus important fut la conversion des IFI à la fin des années 80 à la promotion de la bonne gouvernance comme co-requis au succès des PAS. En pratique cela voulait dire la promotion d’institutions démocratiques.

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B-   Le tournant de 1989 : la « bonne gouvernance »

 

La plupart des pays africains ont poursuivi des réformes politiques et économiques au même moment, en général sous la pression des donateurs. Mais il était autrefois très acceptable de ne pas être du tout démocratique pourvu que l’on respectât les conditions économiques (Boafo-Arthur, 42). Cependant à la fin des années 80 les IFI devinrent moins à même de tolérer les régimes autoritaires, quand bien même les politiques économiques menées étaient satisfaisantes. La Banque mondiale publia en 1989 un rapport appelant à la réforme politique, soulignant l’importance de la transparence et de la consultation dans la manière de diriger un pays. L’introduction de la conditionnalité politique correspondait en fait à la fin de la Guerre froide. La conditionnalité politique consiste à menacer de couper les fonds ceux qui ne feraient pas suffisamment preuve de progrès en ce qui concerne la démocratisation. Ainsi après la fin de la Guerre froide, il est devenu conventionnel d’engager à la fois des réformes démocratiques et des réformes économiques, poursuivant simultanément la démocratisation et les PAS. 41

C’est donc à partir de 1989 que les IFI se mettent à considérer que la « bonne gouvernance » est un atout pour l’entreprise de réformes économiques. Or, seul un cadre démocratique peut favoriser la bonne gouvernance (Serieux, 522). L’argument de la bonne  gouvernance repose sur l’idée que celle-ci crée un environnement porteur pour les politiques de réforme. La Banque et le FMI ont ainsi transféré les PAS dans le domaine politique, ne se contentant plus d’une simple promotion d’un libéralisme économique orthodoxe, mais aussi d’une promotion de la démocratie.

Selon la Banque mondiale, la gouvernance est la manière d’exercer le pouvoir politique dans le but de gérer les affaires d’un pays. L’idée est que le pouvoir a en Afrique été mal exercé, notamment en ce qui concerne les politiques économiques (id. 525). Selon Boeniger (1991) on peut apprécier la gouvernance par la manière dont l’autorité est exercée, par l’aptitude du gouvernement à résoudre les problèmes et à trouver des résolutions aux conflits, ainsi que par sa capacité à promouvoir et à aider au fonctionnement des coalitions sociales du développement. Selon la Banque mondiale, la mauvaise gouvernance s’était généralisée en Afrique car les élites servaient leurs propres intérêts à travers des systèmes clientélistes sans craintes d’avoir à rendre des comptes. Cette mauvaise gouvernance a eu pour conséquence des politiques arbitraires et imprévisibles, une absence de cadre légal fiable pour l’application des contrats et l’appropriation de la machine gouvernementale par l’élite dirigeante. Afin de remédier à cette mauvaise gouvernance, il fallait l’instauration de structures institutionnelles pluralistes, le respect de l’État de droit, la protection des droits de l’Homme et de la liberté d’expression et la transparence dans les institutions publiques. La Banque proposait d’encourager de telles transformations en offrant ses aides financières prioritairement aux régimes engageant des réformes en ce sens (id. 525).

Cela étant, il faut préciser que dans cette vision des choses la démocratie est plus un moyen qu’une fin. L’objectif de la Banque et du FMI n’est pas la démocratisation des pays africains mais la réussite des réformes économiques dans le cadre desquelles la démocratisation n’est qu’un instrument. Ce qui importe c’est la capacité de la démocratisation à soutenir la réforme économique. La réussite d’une telle entreprise dépend de plusieurs facteurs : la capacité de la Banque et du FMI de promouvoir une transition démocratique réussie, la capacité des institutions démocratiques d’améliorer la qualité de la gouvernance et l’existence d’une relation forte entre bonne gouvernance et bonne réforme (id. 527). Par ailleurs, en promouvant la poursuite des PAS dans un cadre démocratique cette fois-ci, les IFI escomptent bien défendre leur crédibilité. Il est dans leur intérêt de se faire le commanditaire de la démocratie (Baofo-Arthur, 65).

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II-                Démocratisation et ajustement : les théories

 

Cette recherche conjointe de l’ajustement et de la démocratie a engendré des débats importants chez les responsables politiques et les universitaires et a même fait l’objet de nombreuses critiques (Boafo-Arthur, 42). La base des ces critiques est l’idée selon laquelle il est difficile pour des gouvernements sujets à la pression populaire et aux lobbies de mener à bien des réformes économiques par nature difficiles à effectuer et potentiellement impopulaires, mais qui doivent à terme faire le lit du développement (id. 42-43).

 

A-    Les pessimistes

 

Selon Mkandawire (1992), la démocratie est incompatible avec les programmes d’ajustement, car les PAS sont en soit les fossoyeurs de la démocratie, du fait que via ces derniers les pays concernés passent sous le contrôle des IFI, dont les conditions de remboursement des prêts sapent la gouvernance démocratique. Les pays sont si pauvres et dépendants que les coûts des PAS les empêchent, par manque de moyen, de mettre en place des structures économiques. Les PAS imposeront inévitablement des obstacles aux nouveaux gouvernements démocratiques.

Pour Hagard et Kaufman (1989), il y trois raisons pour lesquelles les PAS et la démocratie sont incompatibles. La première est que les nouveaux dirigeants démocratiques sont confrontés à des demandes autrefois réprimées, demandes entraînant des attentes économiques et sociales de plus en plus fortes de la part de la population, ainsi que de fortes pressions de la part des lobbies. La seconde est que les gouvernements fraîchement élus chercheront à éviter autant que faire se peut les difficultés économiques. Enfin, la démocratisation entraînera une hausse de la demande en matière sociale, amenant les gouvernants à mener des politiques allant dans le sens de l’électorat ; des politiques populistes au dépend des PAS ou même de la simple discipline financière.

Une autre explication (Remmer 1993) est que la médicine d’ajustement a peu de chances de prospérer dans les nouvelles démocraties du fait de la faiblesse des institutions politiques, de la fréquence des élections, de la mobilisation de la population. En toute logique les responsables politiques seront tentés d’opter pour des politiques économiques de court terme afin de conserver leur popularité et leur mainmise sur le pouvoir plutôt que pour des politiques d’ajustement qui risqueront d’avoir l’effet inverse pour eux.

Sirrowy et Inkeles (1990) pensent que dans les pays les moins avancés (PMA), la démocratie aura des conséquences néfastes sur la stabilité politique, ceci du fait que les institutions politiques dans les PMA sont faibles et fragiles. Ainsi la gouvernance démocratique aura pour effet d’exercer des pressions inappropriés sur ces institutions nouvellement créées. La démocratie permet à des groupes sociaux impatients, comme les ouvriers ou les pauvres, d’exercer une forte pression qui leur était jusqu’ici interdite. Les deux auteurs prétendent que les régimes démocratiques, via les libertés civiles, aggraveront les divisions sociales.

En définitive trop de pression due aux diverses demandes socio-économiques risque de mettre en danger l’efficacité à long terme des ajustements structurels. Les gouvernants élus chercheront une légitimité intérieure et seront victimes des demandes venant des différents secteurs de la société (Id. 45).

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B-   Les optimistes

 

On trouve dans la littérature spécialisée quelques auteurs pour soutenir une corrélation entre la démocratie et les politiques d’ajustement. Le courant instrumentaliste considère que la démocratie encourage l’utilisation responsable des ressources publiques et, de ce fait, le développement du pays. En devenant démocratique le pays y gagnent en efficacité (Serieux, 525). Les quelques analystes qui se sont penché sur la relation entre la démocratie et les réformes économiques considèrent toutefois que cette relation n’est pas évidente. En effet, il apparaît que les gouvernements démocratiques ont plus de difficultés à maîtriser les déficits budgétaires ainsi que l’inflation à court terme (même si à long terme l’inflation est mieux maîtrisée dans les démocraties).

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III-              Démocratisation et ajustement : la pratique

 

A-    L’enquête de John Serieux dans 17 pays africains

 Serieux propose une enquête pour vérifier si les efforts de la Banque mondiale et du FMI pour promouvoir la démocratie a porté ses fruits et a eu des effets sur les réformes économiques. Il établit un examen empirique des effets du passage d’un régime autoritaire à un régime démocratique sur les réformes économiques. En utilisant un échantillon de pays sub-sahariens, Serieux examine l’effectivité des réformes avant et après la démocratisation (Serieux, 522).

Serieux constate qu’en moyenne les taux de croissance du PIB, des rendements agricoles et des exportations sont plus forts après la transition démocratique qu’avant. De même la démocratie semble aller de pair avec un plus haut niveau d’investissement étranger direct. Mais les investissements étrangers constituent toujours une très faible part du PIB, ce qui signifie que l’on ne peut parler de franc succès sur ce plan-ci. Le taux d’épargne connaît en moyenne une augmentation, mais après la démocratisation il y a autant de pays qui connaissent une baisse de l’épargne que de pays qui connaissent une hausse. Les investissements internes connaissent également une légère baisse après la démocratisation. L’inflation a été indéniablement moins bien contrôlée après la démocratisation, celle-ci ayant augmenté dans sept pays sur dix. De même l’augmentation de la charge de la dette est l’un des aspects les plus flagrants de l’après démocratisation (id. 534).

Ainsi ce que l’on constate c’est que trois ans de réformes économiques sous des régimes démocratiques ont amené à une hausse des exportations et des taux d’épargne. Serieux suggère (p. 536) que les régimes démocratiques sont plus capables à moyen terme de répondre aux réformes dans certains domaines, mais dans certains domaines seulement, comme l’épargne ou l’exportation, et pas dans d’autres comme l’investissement ou la dette (id. 536)

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B-   Le cas du Ghana étudié par Kwane Boafo-Arthur

 

Baofo-Arthur démontre que le Ghana est un cas où la démocratisation n’a pas entravé la poursuite des programmes d’ajustement, et ceci est du à différents facteurs (Baofo-Arthur, 43). L’exemple du Ghana prouve que les théories décrivant la démocratie comme incompatibles avec les politiques d’ajustement peuvent être démontées.

Selon certains observateurs le Ghana a connu sous la direction du PNDC la stabilisation et la politique d’ajustement la plus réussie. Le pays a connu une hausse du PIB, du PIB par habitant, des rendements agricoles et des services (id. 49), ainsi qu’une relance de certains secteurs en déclin, une modération de l’inflation, une hausse des exportations, un rééquilibrage de la balance des paiements, une hausse de l’épargne interne. On remarque globalement une amélioration macroéconomique sensible (Gibbon, 1992), un développement réel des infrastructures (Boakye-Danquah, 1992)(id. 50). Mais il y a eu, bien sûr, une hausse massive du chômage due à la restructuration du secteur public, et la hausse du rendement agricole n’a pas profité réellement au agriculteurs. De plus le Ghana a connu de graves conséquences écologiques de la relance économique avec des retombées sur le quotidien et la santé des habitants (id. 51).

Les PAS ont donc eu au Ghana des retombées positives en ce qui concerne la croissance et le développement, mais les Ghanéens ont du subir les coûts sociaux de ces programmes : hausse des prix des services publics, baisse des subventions sur la santé et l’éducation, baisse des salaires et hausse massive du chômage. On peut en déduire que la réussite de ces programmes est due en grande partie à l’absence de démocratie, car l’existence d’un régime autoritaire et répressif a empêché les opposants à ces réformes de s’exprimer. On pouvait alors fortement craindre que la démocratisation au Ghana entraînât une révolte des masses qui remettrait en question les PAS (id. 53).

Cependant l’ancien dictateur Rawlings a finalement été réélu démocratiquement en 1996, signifiant que les PAS avaient réussit à survivre au mécontentement populaire (id. 54). Que s’est-il passé ? Cette survivance des PAS après la démocratisation tient à plusieurs facteurs.

Pendant la transition, au Ghana comme dans le reste de l’Afrique, les débats ont porté avant tout sur des questions politiques et non sur des problèmes économiques (id. 55). Au Ghana l’opposition était en fait convaincue que, bien organisés, les PAS étaient efficaces. Par ailleurs il s’agissait pour l’opposition de ne pas effrayer les donateurs étrangers. Le but était de créer un climat de confiance en prônant d’ajustements à visage humain. De plus l’opposition durant la transition a adopté une volonté de négociation avec le pouvoir en place, plutôt qu’une attitude de conflit. Comme le dit en 1993 l’un des dirigeants de l’opposition : « Nous voulons montrer aux Occidentaux qui ont mis tant d’argent dans les PAS à l’époque du PNDC [le parti au pouvoir à l’époque] que si on nous en donne la possibilité, nous ferons mieux que Rawlings et ses hommes » (id. 56). L’opposition remettait seulement en question la méthode suivant laquelle les PAS avaient été mis en place par le PNDC, comme par exemple le manque de transparence.

Une autre raison est l’absence d’alternative viable aux PAS. Tout projet d’alternative économique aurait effrayé les donateurs internationaux (id. 58). Après avoir gagné les élections, l’ancienne opposition chercha à rendre plus transparent les PAS et à les expliquer. Elle chercha également bon gré, mal gré à accepter le dialogue avec l’opposition afin de gagner son soutient pour la poursuite des PAS (id. 590).

Il faut noter que, malgré la démocratie, la société civile est restée faible, et n’a eu que peu d’impact sur la transition. Les opposants aux PAS n’ont pas su s’organiser, notamment en échouant à mobiliser les paysans et les masses laborieuses, du fait notamment du haut niveau d’analphabétisme parmi ces groupes. De plus, certains membres de la société civile avaient bénéficié des retombées des PAS. Qui plus est, les syndicats n’avaient aucune idée de la manière dont traiter des aspects négatifs des PAS (id. 61-63).

L’influence des agents externes a bien sûr joué un rôle important. La Banque mondiale a insisté sur la notion de bonne gouvernance, impliquant partage des pouvoirs, transparence et honnêteté.

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Conclusion

 

Si l’adoption par la Banque mondiale et le FMI de la conditionnalité politique a marqué un véritable changement, ce fut dans le seul et unique but d’améliorer l’efficacité des PAS. À moyen terme les régimes démocratiques ont su se montrer plus efficaces quant à la production agricole et les exportations, mais moins capables de contrôler l’inflation ou de faire baisser la dette. La démocratie ne semble pas être un frein aux réformes économiques, mais l’expérience montre qu’elle n’est pas assez efficace pour pouvoir prétendre à poursuivre son existence en tant qu’instrument de réforme économique (Serieux, 536).

L’expérience du Ghana durant la période 1993-1996 semble remettre en question l’incompatibilité supposée entre les ajustements et la démocratisation. Il apparaît que les politiques menées sont le fruit de multiples facteurs qui ont permis la poursuite des ajustements après la démocratisation. Dans le cas du Ghana, l’existence d’une politique d’ajustement avant la démocratie, l’aspect de la dynamique politique après la démocratie, le soutien des financiers internationaux, la faiblesse de la société civile, la croyance de l’opposition en la poursuite des PAS (Baofo-Arthur, 45) font partie de ces facteurs qui explique la poursuite sans heurts des programmes sous gouvernance démocratique. Contrairement à de nombreuses théories, l’exemple du Ghana montre que certaines conditions peuvent amener à la réussite d’une poursuite des PAS simultanément à un processus de démocratisation, des conditions comme la poursuite des PAS avant même la démocratisation,

Selon Baofo-Arthur, les PAS sont indispensables pour le développement de pays comme ceux d’Afrique, mais il faut prendre en compte d’autres facteurs pour garantir le succès du couple démocratie-ajustement. Par exemple il ne faut pas appliquer complètement les directives libérales de la Banque mondiale que, par ailleurs, parmi les pays capitalistes développés, personne ne suit totalement à l’exception des États-Unis. Il faut un minimum d’intervention de l’État et un certain degré de protectionnisme. Sur le plan politique, il faut chercher le consensus général, le dialogue et éviter la confrontation. Les donateurs internationaux doivent par ailleurs se montrer ouverts quant à l’application stricte des PAS et prendre en considération la situation du pays. Des effets trop négatifs de ces PAS pourraient entraîner un mécontentement trop fort et faire écrouler le fragile équilibre entre démocratie et ajustement. C’est pour ces raisons qu’il faut se garder d’être trop optimiste quant à l’avenir du Ghana.

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