(2 avril) Consolidation ou démocratique Vs restauration autoritaire : études de cas

Patrice Éméry Bakong (2ème rapport de lecture)

Gyimah-Boadi, E. 2001. «A peaceful turnover in Ghana». Journal of democracy 12 (Printemps) : 103-117.

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Synthèse de l’article
Critique


 

Synthèse de l’article

Comme son titre l’indique, l’article  de Gyimah-Boadi traite du changement qui est survenu à la tête de l’État ghanéen à la suite des deux tours de l’élection présidentielle de Décembre 2000. Un changement qui a été salué à la fois par la communauté nationale et internationale du fait, comme le dit l’article, de son caractère pacifique et surtout inédit. En traitant de ce changement, l’auteur cherchait en fait à nous prouver que l’on peut désormais parler de consolidation de la démocratie dans ce pays. Telle est la principale idée qui sou tend  cet article, montrer que la phase de  transition est passée, et que l’on est désormais entré dans l’ère de la consolidation. Trois arguments viennent meubler cette hypothèse.

Le premier d’entre tous est le respect par le président sortant, le Lieutenant jerry Rawlings, de la constitution qui lui intimait l’ordre de quitter le pouvoir à la fin de son deuxième mandat. En effet, après avoir été élu en 1992 et 1996, Rawlings ne pouvait prétendre à un troisième mandat en 2000, puisque la loi fondamentale de la quatrième République ghanéenne le lui interdisait. Et sans résistance aucune, ce dernier n’a pas été candidat à sa propre succession, signe d’une victoire des forces démocratiques et d’un enracinement de celles-ci dans le pays.

Le deuxième argument, et de loin le plus important, est l’alternance survenue au sommet de l’État.  Certes, Rawlings n’était pas candidat à sa propre succession mais son parti, le National Democratic Congress (NDC) l’était. Tout laissait penser  que le NDC allait rester au pouvoir . Mais non, John Atta Mill, le poulain de Rawlings, a été battu  au second tour de l’élection, provocant ainsi une alternance par la voie des urnes.

Le troisième et dernier argument qui atteste de la consolidation de la démocratie au Ghana découle du deuxième. Il s’agit de l’absence  de contestation au terme du processus  électoral. Les deux partis ont reconnu la victoire du candidat de l’opposition John Kufour et ni l’armée, ni la population ne sont intervenues pour régler un quelconque contentieux électoral comme ce fut le cas dans certains pays. Le verdict des urnes a été respecté et la transition à la tête de l’État s’est déroulée sans dommages.

Les raisons de ce succès tiennent elles aussi à trois principales raisons selon  Gyimah-Boadi.

1-     L’implication de la société civile. Tout au long du processus, celle-ci est intervenue de diverses manières pour rendre l’élection 2000 fair and free’. Les groupes religieux ont rendu le processus pacifique en prônant la non-violence; des  associations indépendantes ont scruté la quasi totalité des bureaux de vote pour rendre le scrutin plus transparent. Les médias ont éduqué la population et celle ci a pu bénéficier d’une bonne couverture médiatique du scrutin, ce qui leur a permis de mieux élaborer leur choix. Il n’est pas jusqu’aux musiciens qui n’aient apporté leur pierre à l’édification de la démocratie au Ghana. En somme l’implication de toutes les couches de la société a largement contribué à rendre le processus plus attrayant.

2-     La sollicitude des acteurs étrangers et autres bailleurs de fonds a également  été d’un grand support pour l’élection ghanéenne. Selon Boadi, l’on ne saurait négliger les sommes versées par l’union Européenne, Les États-Unis ou  le Canada; l’assistance technique apportée par des organismes oeuvrant pour le compte de ces pays (USAID,CIDA, DANIADA) ou encore l’appui moral des personnes comme Clinton, Mandela ou Élisabeth II.

3-     Le mode de transition constitue également une raison importante du processus de consolidation de la démocratie au Ghana. Selon l’auteur, «la transition par pacte» qui a eu lieu dans ce pays  a permis de se débarrasser des anciennes autorités en réduisant les risques de violence qui tendent souvent à accompagner les transition en Afrique.

Toutefois, malgré le sentiment de libération qui a envahi les Ghanéens au lendemain du succès de l’élection de 2000, l’auteur de cet article nous montre que tout n’a pas été rose. De grands problèmes ont miné la campagne électorale, ce qui a réduit considérablement  certains acquis démocratiques que l’on avait pus enregistrer depuis l’avènement de la Quatrième République. 

- Les problèmes économiques et la pauvreté de la population constituent l’un de ces handicaps.

- Les manipulations ethniques qui conduisent à la division du pays ne permettent pas un vote raisonnable mais plutôt motivé par des considérations émotionnelles.

- Les pratiques néo-patrimoniales  qui poussent le pouvoir en place à utiliser les ressources de l’État à son profit sont une preuve d’injustice puisqu’ils donnent plus de moyens aux autorités en place qu’à l’opposition dans la conduite de la campagne électorale.

- Les menaces et autres intimidations, qu’elles proviennent de l’armée, de la population ou encore des partis en lice ont émaillé la campagne électorale réduisant ainsi son caractère ‘fair and free’.     

Pour conclure son texte, Gyimah-Boadi nous ressort les défis qui attendent les nouveau régime. Le premier de ces défis est d’ordre économique. Il est vrai que la réaction des bailleurs de fonds a été presque positive après l’élection de 2000. Mais l’équipe de John Kufour se doit de faire beaucoup d’efforts pour relever le niveau de vie des Ghanéens afin d’éviter des problèmes sociaux, sources de conflits.

Le deuxième de ces défis est la restructuration de l’armée et surtout des services de sécurité de l’ancien homme fort d’Accra, jerry Rawlings.

Le troisième  et le plus important de tous est selon l’auteur, la réconciliation nationale. Plusieurs torts ont été causés aux populations  depuis l’indépendance du pays et on constate la présence d’un certain ressentiment au sein de certaines couches sociales, ressentiment  qui devrait être dissipé.

L’auteur demande de ne pas oublier le problème du statut et des indemnités à accorder aux anciens chefs de l’État.

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Critique 

Globalement, nous pouvons dire que «A peaceful turnover in Ghana» est un texte intéressant et riche en informations. Toutefois, nous avons déploré son caractère beaucoup plus descriptif  qu’analytique.

La critique principale que nous pouvons adresser à Boadi est  sa propension à crier très vite victoire. Certes, le Ghana a avancé considérablement sur la voie de la démocratie. Il a pu traverser plusieurs étapes difficiles, mais la consolidation ne peut être considérée à l’heure actuelle comme acquise. Certes qu’il y a eu trois élections pluralistes et une alternance pacifique. Mais le Ghana n’a jusqu’à présent pas encore été confronté à une grande crise constitutionnelle à la malgache. L’avènement d’une telle crise, et la façon de la gérer pourront nous conduire à parler ou non de consolidation démocratique dans ce pays.

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