(12 février) Théories et modèles d’analyse de la transition et de la consolidation Valérie Bilodeau
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Les
courants d’études sur la démocratie
Élaboration
des constitutions démocratiques
Élaboration
de la démocratisation
La
promotion de la démocratisation
Tableau
récapitulatif sur la démocratie et la démocratisation
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Théories
et modèles d’analyse de la transition et de la consolidation démocratique Depuis l’effondrement du bloc communiste, la démocratie semble être devenue la seule alternative aux régimes autoritaires. Cependant, contrairement à son instauration « évolutive » dans les pays occidentaux, les nouvelles démocraties soulèvent de nombreux questionnements quant à leurs conditions, leur instauration et leur viabilité. Ce compte-rendu de lectures porte sur les textes de Doh Chull Shin intitulé « On the Third Wave of Democratization : A Synthesis and Evaluation of Recent Theory and Research »[1] et de David Beetham intitulé « Conditions for Democratic Consolidation ».[2] Shin propose une revue de la littérature sur la démocratisation. Plus spécifiquement, l’auteur examine les éléments conceptuels et méthodologiques concernant la définition et la mesure de la démocratisation ainsi que les aspects théoriques et stratégiques en rapport avec son explication et sa promotion. Le but de l’article de Beetham est aussi de fournir un compte-rendu de la littérature, mais il se concentre davantage sur les conditions de la consolidation démocratique. Il passe en revue dix hypothèses qu’il critique. Étant donné que les deux auteurs se penchent pour l’essentiel sur les mêmes questions et que leurs articles ont été publiés la même année, ce résumé de lecture intégrera les deux textes dans une perspective comparative et critique. En effet, le texte de Beetham étant plus critique à l’égard de la littérature, il complète bien le texte de Shin. L’article de ce dernier servira de base à ce compte-rendu et viendront s’y greffer des éléments de l’article de Beetham. Les courants d’études sur la démocratieL’étude de la démocratie attire beaucoup d’attention et, au cours des ans, elle a connu de nombreux changements qualitatifs. Sur le plan conceptuel, l’instauration de la démocratie n’est plus associée à la modernisation, à la présence d’une classe bourgeoise ni à celle d’une économie indépendante. « Instead, it is seen as a product of strategic interactions and arrangements among political elites, conscious choices among various types of democratic constitutions, and electoral and party systems. » [3] Récemment, les recherches ont porté principalement sur les dynamiques de la transition et de la consolidation démocratiques. Elles se sont concentrées aussi sur le rôle que les dirigeants politiques et les élites stratégiques ont à jouer ou devraient jouer dans le processus. En effet, selon Huntington : « democratic regimes that last have seldom, if ever, been instituted by mass popular action. »[4] Dans les années 1960s et 1970s, les recherches se penchaient surtout sur les conditions nécessaires à l’émergence de la démocratie avec des chercheurs tels que Lipset, Almond et Verba, Moore, etc. À ce déterminisme, relate Beetham, et Shin d’ailleurs, préfère maintenant parler de conditions facilitantes que déterminantes. Sur le plan méthodologique, la nouvelle génération de chercheurs s’éloigne des généralités pour se concentrer plutôt sur les différences entre les nations quant aux processus de transition démocratique. À partir de ces comparaisons, les chercheurs tentent d’identifier des relations entre les interactions stratégiques et le type de transition démocratique et entre le modèle de transition et le type de système politique démocratique qui en résulte. Des comparaisons à travers le temps sont aussi effectuées dans le but d’identifier différentes vagues de démocratisation, de déterminer l’impact de la démocratisation sur la performance du régime et de vérifier si la démocratisation améliore véritablement le bien-être des citoyens. Théoriquement, la plupart des recherches récentes soutiennent que « democratic politics is not merely a ‘superstructure’ that grows out of socio-economic and cultural bases; it has an independent life of its own. »[5] On s’éloigne ici du pessimisme qui émanait des premières études sur les conditions préalables. Stratégiquement, la recherche est dédiée au changement et fournit des outils théoriques aux agents sociaux pour la compréhension et la modification des conditions d’oppression.[6] En outre, pour Beetham, la science sociale joue un rôle modeste dans la lutte vers la démocratisation. Elle permet essentiellement d’aider la pratique politique à être plus intelligente à travers une conscience systématique d’expériences comparatives.[7] ConceptualisationSelon Shin, de façon spontanée, on attend beaucoup du concept de démocratie et on imagine qu’une société pourra résoudre tous ses problèmes lorsqu’elle l’adoptera. Pour contrer cette tendance, les récentes approches favorisent une conception procédurale et minimaliste de la démocratie au détriment de celle qui englobe les éléments d’égalité économique et de justice sociale. À l’inverse, Beetham trouve cette façon de définir la démocratie inadéquate puisqu’elle laisse de côté des éléments importants tels que la responsabilité des élus, leur contrôle sur les non-élus, le contrôle que les gens ordinaires exercent sur leur propre vie, etc. L’auteur propose plutôt une définition normative qui se base sur une prise de décisions collective et liante contrôlée par tous les membres d’un groupe considérés égaux. Un tel système peut être jugé démocratique lorsqu’il possède, en outre, les institutions nécessaires à la réalisation de ces principes.[8] Libéralisation et démocratisationIl existe une différence fondamentale entre les concepts de libéralisation et de démocratisation. Le premier définit une situation de relâchement des restrictions et d’expansion des droits individuels et sociaux au sein même d’un régime autoritaire. Le second fait référence à un mouvement d’instauration d’un régime politique populaire qui implique la tenue d’élections libres sur une base régulière. Ce processus est complexe et peut s’étendre sur de nombreuses années. Il comporte quatre étapes : la détérioration du régime autoritaire, la transition, la consolidation, et la maturation de la démocratie. Toutefois, ces étapes ne sont pas toujours bien délimitées et dans la réalité, la démocratisation s’est rarement réalisée dans cet ordre séquentiel. C’est pourquoi on ne parle plus de la démocratisation en terme de processus linéaire, ni de processus rationnel. Une attention particulière a été portée aux étapes de transition et de consolidation. Évidemment, davantage a pu être observé quant à la transition puisque les nouvelles démocraties qui ont passé l’étape de la consolidation se font encore rares. Cette étape est généralement d’une extrême instabilité dans laquelle des éléments et des institutions de l’ancien régime coexistent avec ceux du nouveau régime. Beetham apporte davantage de précisions sur ce thème. La question qui se pose est de savoir si, et à quel point, le processus de transition vers la démocratie affecte ses perspectives de consolidations L’auteur étudie deux hypothèses qui ont été émises sur, d’une part, le caractère de l’ancien régime et, d’autre part, le mode de transition lui-même. Selon la première hypothèse, les
perspectives de consolidation sont affectées par le caractère de
l’ancien régime. Malgré le caractère intuitivement logique de cette
relation, il n’existerait par de preuves claires allant dans ce sens.
Beetham soulève, toutefois, l’importance de la capacité de l’État
à instaurer des politiques à travers le territoire qu’il est sensé
contrôler. Certains auteurs ont même argué que la formation de l’État
doit nécessairement venir avant la démocratisation. La deuxième hypothèse suppose
que le mode de transition vers la démocratie affecte sa consolidation
subséquente. Sur ce sujet, il existe plusieurs typologies de processus
de transition que Beetham ne considère pas tellement utiles quant aux
perspectives de consolidation. Il
juge plus importantes les questions suivantes : « how
broad and deep does it run, how inclusive or exclusive is it, who comes
to own the transition process as such ? »[9]
Une attention doit donc être portée à l’ampleur et à la profondeur
du processus de transition :
« to how far it penetrates society, and not merely the political
elites. »[10]
Consolidation démocratiqueSelon Shin, on peut dire, en général, qu’une démocratie est consolidée lorsque « a society frees itself from the spells cast by authoritarian demagogues and rejects all alternatives to such democracy so as to no longer imagine any other possible regime. »[11] ÉvaluationPlus que jamais, la question de l’évaluation de la démocratie et de la démocratisation obsède les chercheurs et les dirigeants politiques. Mesures de la démocratie dans le passéDans le passé, on retrouvait deux types de mesures : subjectives et objectives avec les forces et les faiblesses qu’on leur connaît. Principalement, la mesure objective est facile à reproduire, mais ne permet pas d’évaluer le véritable état de la participation populaire et les données peuvent être manipulées par les autorités. La mesure subjective peut aller chercher les vrais attributs de la démocratie comme l’équité et la liberté, mais fait souvent l’état d’erreurs systématiques. De plus, les deux méthodes se limitent à indiquer le degré de démocratisation dans un pays à un moment donné. « In short, existing measures of democracy are not of much use, especially to the process- and action- oriented study of democratization. »[12] Mesures récentes de la démocratieQue ce soit pour différencier les démocraties consolidées ou en transition, différentes typologies ont été élaborées suivant autant de critères de distinction tels que le niveau de consensus, le système de partis, les facteurs externes et domestiques, le leadership et la durée. Efforts pour mesurer la consolidation démocratiqueLes efforts se font plus rares en ce qui concerne l’évaluation de la consolidation démocratique. Huntington a proposé le « two-turnover test » qui survient lorsque, à deux reprises, les perdants d’une élection remettent le pouvoir de façon pacifique dans les mains des vainqueurs. Beetham souligne, toutefois, qu’il existe des systèmes électoraux qui respectent un minimum de standards démocratiques, mais qui ne connaissent pas de transfert de pouvoir avant un nombre important d’années puisque l’électorat reporte toujours le même parti au pouvoir. C’est pourquoi certains auteurs préfèrent parler en termes d’années. On pourrait dire, par exemple, qu’après vingt ans, au cours desquels des élections compétitives ont eu lieu régulièrement, une démocratie est consolidée. Ce critère pose aussi une difficulté puisque avec le temps, il devient de plus en plus difficile de distinguer le parti au pouvoir des appareils d’État et des intérêts économiques. Selon Beetham, la meilleure façon de conclure en la consolidation d’une démocratie est lorsqu’il existe de bonnes raisons de croire qu’elle est en mesure de résister aux pressions et aux chocs sans abandonner le processus électoral ou la liberté politique. Ceci nécessite, en outre, une profonde institutionnalisation qui va au-delà du simple processus électoral.[13] Selon Shin, une méthode d’évaluation subjective de la consolidation démocratique plus appropriée a été utilisée en Espagne. Ce sondage visait à mesurer la croissance de sa légitimité démocratique et se concentrait sur l’engagement du public pour les valeurs fondamentales et les normes procédurales des politiques démocratiques. CausesLa dernière vague de démocratisation (celle qui a suivi l’effondrement du bloc communiste) constitue la plus importante en nombre d’États impliqués. Huntington lui a d’ailleurs donné le nom « the global democratic revolution ».[14] Dans l’étude de ces nouveaux processus de démocratisation, les chercheurs ont laissé tomber le concept de conditions nécessaires ou préalables pour le remplacer par celui de conditions ou facteurs facilitants ou obstruants. Ici, Beetham complète le texte de Shin en fournissant des éléments de réponses plus précises quant aux raisons pour lesquelles les hypothèses portant sur les conditions préalables à la démocratie ont été généralement écartées. Selon lui, l’hypothèse selon laquelle une économie de marché est une condition nécessaire, mais non suffisante, à la démocratie est intéressante dans la mesure où de nombreux liens peuvent être faits entre le consommateur et l’électeur en tant qu’individu rationnel. Aussi, une économie de marché permet de disperser les pouvoirs décisionnel et autres loin de l’État. Ce constat est défavorable aux économies de type soviétique et aux formes de capitalisme contrôlées par l’État. Cette hypothèse est moins intéressante lorsque l’on considère qu’une économie de marché favorisant les inégalités tend à nuire aux égalités politiques. Suivant une autre hypothèse, les chances d’une consolidation démocratique s’amélioraient avec le développement économique. Il existe toutefois des exemples de démocraties sous-développées et d’économies développées non-démocratiques. Selon Lipset : « with economic development comes a reduction in the extremes of inequality, a more complex articulation of civil society and a more educated population. »[15] Il n’est cependant pas évident que le développement économique résulte automatiquement en une réduction des inégalités ou en une population plus éduquée. Ce sont peut-être des conséquences de facteurs autres tels que des décisions politiques. Beetham est toutefois d’accord avec la proposition qui dit qu’une démocratie naissante a besoin d’une croissance économique soutenue peu importe le niveau de départ de développement économique. La dernière hypothèse qui concerne le système économique soutient que des formes particulières d’organisation de classes affectent les chances de démocratie. Suivant Barrington Moore, ce qui importe pour la démocratie est l’existence de classes sociales dont le mode de vie leur donne un intérêt pour la démocratisation. L’élément central pour la consolidation serait donc l’organisation sociale et politique. On retrouve ici l’argument selon lequel la classe ouvrière développe des intérêts dans le sens de la démocratie et a la capacité de former des actions collectives pour les promouvoir et les défendre. Par contre, comme les auteurs de cette hypothèse l’admettent eux-mêmes, elle est sujette à des compromis entre une main-d’œuvre organisée et les détenteurs de capitaux. Par ailleurs, il n’est pas du tout évident que ces conclusions puisées de l’histoire des pays capitalistes sont applicables aux pays en voie de développement où il n’existe pas toujours de classe ouvrière d’importance comparable. Beetham aborde ensuite la question de la culture politique. L’idée que la consolidation démocratique se réalisera de façon plus probable dans les pays où il existe une culture politique – croyances, attitudes et attentes populaires – qui supporte la démocratie semble, est à prime à bord fort plausible. Cependant, il n’existe pas de consensus sur ce qu’est véritablement une culture politique favorable à la démocratie, et de toute façon il est plus probable qu’elle est le produit d’institutions démocratiques existantes que leur cause. Il existe deux réponses à ces difficultés. La première est d’abandonner l’approche culturelle et de dire que la démocratie se consolide lorsque les principaux joueurs politiques reconnaissent qu’ils ont suffisamment d’intérêts communs pour maintenir la démocratie et que l’inverse leur serait plus coûteux. La consolidation démocratique fait donc ici appel aux choix rationnels des acteurs. La deuxième approche consiste à contourner le problème de la définition de la culture démocratique en l’attaquant à l’envers, c’est-à-dire en établissant ce qu’elle n’est pas. Cette approche a donné lieu à deux hypothèses. La première plaide que certaines
religions sont incompatibles avec la démocratie. Cette hypothèse est
une transformation de celle de Weber quant à la relation entre le
protestantisme et la démocratie étant donné les récentes transitions
démocratiques de pays catholiques. L’orthodoxie russe, le
confucianisme et l’islam sont ici considérés comme ayant des caractéristiques
incompatibles avec la démocratie. Selon Beetham, le problème avec
cette hypothèse est qu’elle traite ces religions de façon
monolithique alors qu’elles comportent différentes écoles; et comme
étant immuable alors qu’elles connaissent des réformes au fil des
changements de circonstances. Comme pour le catholicisme, il n’est pas
improbable que ces religions connaissent des transformations en faveur
de la démocratie. Cependant, une chose qui est certainement
incompatible avec la démocratie est toute forme de croyance, religieuse
ou séculaire, qui prétend que la vérité ultime pour la société se
situe dans une connaissance supérieure ou ésotérique à laquelle les
autorités politiques doivent se soumettre. Finalement, la dernière hypothèse concerne les sociétés qui sont divisées par des groupes culturels clairement définis et historiquement antagonistes. Celles-ci auraient du mal à maintenir une démocratie. Selon l’auteur, la littérature admet le caractère essentiel de la présence d’une forme d’unité nationale. S’il n’existe pas de bases mobilisatrices qui réussissent à rompre les liens de loyauté ethnique, alors une intensification de la politique ethnique en résultera. Cette hypothèse est évidemment tout à fait appropriée en ce qui concerne l’Afrique subsaharienne étant donné ses États artificiellement construits et sont histoire coloniale. Quant à la nouvelle approche visant les conditions facilitantes ou obstruantes, la littérature est féconde sur ce sujet, en voici les principales : « 1.
There are few preconditions for the emergence of democracy. 2. No
single factor is sufficient or necessary to the emergence of democracy. 3. The
emergence of democracy in a country is the result of a combination of
causes. 4. The
causes responsible for the emergence of the democracy are not the same
as those promoting its consolidation. 5. The
combination of causes promoting democratic transition and consolidation
varies from country to country. 6. The combination of causes generally responsible for one wave of democratization differs from those responsible for other waves. »[16] Cette même
littérature offre également deux ensembles de facteurs facilitants
probablement responsables de la vague actuelle. Le premier ensemble
concerne les changements politiques et autres à l’intérieur d’un
pays, alors que le second ensemble s’attarde au développement des
pays voisins ou étrangers. Dans l’ensemble de facteurs domestiques,
le plus important est celui qui touche le déclin de la légitimité du
régime autoritaire d’autant plus menacé par le renforcement de la société civile. Se joint à ces pressions celles de la communauté internationale qui contribue à affaiblir les bases des régimes autoritaires en coupant l’aide économique ou militaire et en faisant prendre conscience aux peuples que la démocratie « is the necessary ticket for membership in the club of advanced nations ».[17] Huntington accorde aussi de l’importance à l’effet boule-de-neige occasionné par les transitions démocratiques subséquentes. En outre, malgré les arrangements de facteurs domestiques et internationaux qui varient selon les cas, c’est le concours des deux niveaux qui caractérise la vague de démocratisation actuelle. Tel que lors des vagues précédentes, les élites stratégiques ont joué un rôle-clé dans l’élaboration d’une majorité des transitions démocratiques au cours de la présente vague. Pour cette raison, la littérature ne considère pas l’engagement populaire comme une condition absolue à la transition démocratique. Toutefois, dans les démocraties naissantes, le manque d’engagement de la population par rapport aux valeurs et aux normes démocratiques constitue un obstacle. C’est donc dire que c’est dans la consolidation des nouvelles démocraties que la population joue un rôle important. ConséquencesIl existe une attente générale parmi les aspirants démocrates selon laquelle la démocratie amènera une plus grande liberté et moins de violence. Cependant, les effets sur la capacité d’un gouvernement en transition à réagir à des problèmes économiques pressants ou ceux sur la qualité de vie physique des citoyens à long terme sont abordés de façon moins évidente. Conséquences économiques de la démocratisationÉtant donné que la démocratie est souvent décrite comme étant moins apte à résister aux demandes de consommation immédiate du public ainsi qu’à extraire les ressources rares et à accumuler du capital pour le développement futur, on a souvent conclu qu’à court terme, la démocratisation réduirait la capacité d’un gouvernement à gérer des crises économiques. Selon Mancur Olson : « democratic transition is assumed to discourage rather than encourage economic development. »[18] Toutefois, de récentes recherches n’ont pas pu donner raison à ces perceptions négatives. À partir de dix pays sud-américains, Remmer a démontré que la démocratisation n’avait pas réduit la capacité gouvernementale à gérer les crises d’endettement. Les nouvelles démocraties ont même surpassé les régimes autoritaires quant aux efforts de développement. Amartya Sen a même noté qu’il n’y a jamais eu de famine dans les pays démocratiques qui possèdent une presse relativement libre.[19] Effets de la démocratisation sur la qualité de viePlusieurs études ont su démontrer les arguments de Rousseau, Stuart Mill, Cole et Pateman selon lesquels les politiques démocratiques sont essentiels à la promotion du bien-être des citoyens. Ces pensées reposent sur la prémisse selon laquelle le mécanisme d’élections périodiques et compétitives dans les États démocratiques motive les dirigeants politiques à être davantage attentifs aux préférences de la majorité plutôt qu’à celles d’une petite partie de la population. La démocratie assurerait donc la promotion du développement économique et contribuerait à l’amélioration du bien-être des citoyens dans la mesure où la population démontre un engagement et une participation active envers elle. Élaboration des constitutions démocratiquesD’après Shin, le débat portant sur le meilleur type de constitution démocratique s’est centré sur deux ensembles de choix concernant la forme du gouvernement central (parlementaire ou présidentielle) et le mode de scrutin (proportionnel ou majoritaire). Pour la plupart, les alternatives préférées sont la démocratie parlementaire et la représentation proportionnelle. Beetham précise que les présidents tendent à ne pas tolérer l’opposition législative et sont souvent tentés d’user de leur pouvoir exécutif pour contrecarrer une législation encombrante. À l’inverse, la position des premiers ministres dépendant de l’appui de la majorité parlementaire, ils se sont avérés plus efficaces dans l’accomplissement d’un programme électoral et dans la gestion de crise. Aussi, il n’existe aucun cas de coup contre le parlement ingénié par un Premier ministre. En ce qui concerne les modes de scrutin, Beetham souligne que le système majoritaire permet de remporter la majorité parlementaire même en n’ayant récolté qu’une minorité de la totalité des votes. Ce mode encourage également une approche exclusive de la politique où les partis défaits n’ont aucune place légitime. Pour leur part, les modes de scrutin proportionnels favorisent les compromis à travers les partis puisqu’ils nécessitent souvent un gouvernement de coalition. Cet argumentaire, selon Shin, repose principalement sur un nombre de faits historiques et de principes logiques. Toutefois, lorsque des preuves empiriques portant sur les régimes démocratiques du Tiers-Monde sont mises bout à bout, il devient difficile de conclure que le régime parlementaire est plus favorable à une démocratie stable que le régime présidentiel. De plus, les démocraties parlementaires n’ont pas toujours répondu avec plus de sympathie aux besoins des minorités que les systèmes présidentiels. Dans le même sens, la représentation proportionnelle n’a pas toujours favorisé les compromis et la conciliation parmi les différents segments de la population. En somme, les deux auteurs semblent s’entendre pour dire qu’il n’y a pas de modèle optimal de démocratie pour chacun des pays indépendants de la planète, cela dépend de l’histoire politique, de la diversité culturelle, de la division ethnique et du mode de vie socio-économique de chacun d’eux. Selon le cas, toutes les avenues doivent être étudiées. Beetham ajoute un troisième élément sous cette rubrique soit l’hypothèse selon laquelle la durabilité démocratique est favorisée par un système de délégation régionale. Comme la question du mode de scrutin proportionnel, ceci s’applique particulièrement aux pays à fortes divisions régionales et ethniques. Une approche régionaliste permet de séparer les différentes fonctions gouvernementales sur plusieurs niveaux. Cela rend les défaites électorales plus acceptables et lorsque les compétences sont clairement définies, les conflits entre le centre et la région peuvent être minimisés. Élaboration de la démocratisation« The most favourable feature of recent scholarship on democracy is the widespread sense of optimism that it can be crafted and promoted in all sorts of places, including those where structural and cultural qualities are deemed unfavourable or even hostile. »[20] Tel que mentionné plus haut, les démocraties stables sont rarement apparues suite à une mobilisation populaire par le bas. Selon Karl et Schmitter, les formules les plus réussies de transition démocratique ont fait l’objet de pactes négociés entre élites. Les pactes comme outil d’élaboration des démocratiesSelon Shin, peu de doute existe quant à la valeur des pactes en tant qu’outil de gestion des transitions démocratiques. Dans la pratique, par contre, il n’existe pas de règles infaillibles de succès. Aussi, Shin nous rappelle que les pactes ne sont pas nécessaires en tout temps, mais favorisent l’établissement d’une démocratie viable lors de processus de transition qui impliquent un haut degré d’incertitude et de conflit. Beetham apporte, ici, deux réserves. Les pactes qui, d’une part, incluent des forces antidémocratiques et qui, d’autres part, excluent les demandes ou les forces populaires n’auront sûrement pas de conséquences favorables pour la consolidation. Stratégies de remplacement et de transformationIl existe donc plusieurs autres types de transitions démocratiques pour lesquelles les pactes ne peuvent pas être utiles. Huntington en a relevé deux : transformation et remplacement. Dans le premier cas, l’élite dirigeante étant plus puissante que l’opposition, il recommande la continuité procédurale et la « backward legitimacy ». Dans le second, le pouvoir est déplacé vers l’opposition et une coupure s’effectue avec les procédures du passé. Dans cette situation, Huntington recommande la mobilisation et le « forward legitimacy ».[21] Même menées avec talent et brillance, Shin prévient que ces tactiques ne garantissent en aucun cas le « safe passage to the democratic port ».[22] La promotion de la démocratisationQu’est-ce que les nations et les agences internationales peuvent faire pour promouvoir la démocratie à l’étranger ? Selon l’auteur, la réponse dépend des problèmes spécifiques que rencontrent les nouvelles démocraties. Les institutions, les dirigeants et les clients dans plusieurs démocraties naissantes ont désespérément besoin de support éducationnel, financier, technique, politique et même moral de la part de l’étranger. Toutefois, Shin insiste sur le fait que les donneurs ne devraient pas tenter de transplanter ou d’exporter les institutions ou les procédures de leur propre démocratie. Au contraire, la meilleure façon de promouvoir la démocratie est en établissant des conditions particulières et limitées qui faciliteraient la transition et la consolidation de la démocratie. Problèmes et perspectivesQuelles sont les perspectives pour la troisième vague de démocratisation ? Plusieurs des pays engagés dans ce processus vivent de graves crises politiques parce que la démocratie ne fournit pas la prospérité économique, le gouvernement honnête et efficace, la protection des droits de l’homme, la paix, ni la sécurité attendus. L’impossibilité de mener des réformes importantes est l’un des problèmes les plus sérieux auquel doivent faire face les démocraties de cette nouvelle vague. Ce problème est particulièrement présent dans les sociétés où il existe une polarisation ethnique et idéologique qui rend difficile la négociation entre les différentes forces politiques. Reste à savoir si cette troisième vague de démocratisation saura produire des démocraties davantage consolidées que ses prédécesseurs. Actuellement, les sciences sociales ne peuvent pas fournir de réponses concrètes à cette question. L’auteur propose tout de même trois conclusions concernant les perspectives pour les démocraties naissantes. : « First, a greater number of authoritarian regimes are likely to move to democracy in the short run, due mainly to what Huntington terms the ‘snowballing’ effect of earlier transitions that stimulate and provide models for subsequent efforts. Second, only some of present and future new democracies are likely to revert to authoritarian rule, due mainly to international pressure and the lack of a credible alternative to democracy. Third, a majority of new democracies are likely to drift as ‘frozen’ or ‘delegative’ democracies, due mainly to their sustained inability to transform basic economic and welfare structure. »[23] ConclusionEn somme, comme le mentionne Beetham, la consolidation démocratique est un produit de plusieurs facteurs ou conditions qui agissent en concert.[24] Aucune condition prise individuellement n’est nécessaire ou suffisante, mais on peut s’attendre à ce qu’une certaine accumulation de conditions facilitantes favorise les perspectives de survie d’une démocratie électorale. Il n’existe toutefois aucune logique ou ensemble de conditions spécifiques qui garantissent le succès. En guise de conclusion voici un tableau récapitulatif des principaux éléments de ces deux articles sur la définition de la démocratie, les constats concernant la démocratisation, les conditions ou les facteurs retenus et écartés, les choix constitutionnels favorisés, les méthodes d’évaluation et les conséquences. Tableau récapitulatif sur la démocratie et la démocratisation
[1] Doh Chull Shin. « On the Third Wave of Democratization : A Synthesis and Evaluation of recent Theory and Research ». World Politics 47 (Octobre 1994) : 135-170. [2] David Beetham. « Conditions for Democratic Consolidation ». in Review of African Political Economy 60 (1994) : 157-172. [3] Doh Chull Shin. 1994. « On the Third Wave of Democratization », 138-139. [4] Ibid., 139. [5] Ibid., 140. [6] Ibid., 141. [7] David Beetham. « Conditions for Democratic Consolidation », 172. [8] Ibid., 159. [9] Ibid., 163. [10] Ibid., 164. [11] Doh Chull Shin. 1994. « On the Third Wave of Democratization », 145. [12] Ibid., 148. [13] David Beetham. « Conditions for Democratic Consolidation », 161. [14] Doh Chull Shin. 1994. « On the Third Wave of Democratization », 151. [15] David Beetham. « Conditions for Democratic Consolidation », 166. [16] Doh Chull Shin. 1994. « On the Third Wave of Democratization », 151. [17] Ibid., 152. [18] Ibid., 155. [19] Ibid., 155. [20] Ibid., 161. [21] Ibid., 163. [22] Ibid., 164. [23] Ibid., 170. [24] David Beetham. « Conditions for Democratic Consolidation », 171.
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