(5 février) autoritarisme et
idéologies Mariangiola Fabbri «AUTORITARISME ET IDÉOLOGIES» «Autoritarismes et démocraties en Afrique Noire» de Jean-François Médard « The Nigerien Polical System» dans Niger: Personal Rule and Survival in the Sahel de Robert Charlick |
1- «Autoritarismes et démocraties en Afrique Noire» de Jean-François Médard B) Types principaux d’autoritarisme. C) Relation entre démocratie et autoritarisme B) La nature du pouvoir politique C) La participation populaire et les efforts de mobilisation |
Qu’est-ce qu’on pense quand on entend l’expression “Afrique post-coloniale”? Indépendance, autoritarisme, état patrimonial, corruption, démocratisation, coup d’état, régime militaire. Tout ça se mélange sans arrêt dans la tête de l’étudiant qui s’approche de l’Afrique et des systèmes politiques actuellement présents sur le continent. Les textes qui nous sont proposés aujourd’hui nous aident à clarifier quelques-uns de ces aspects de l’Afrique contemporaine, notamment la notion d’autoritarisme et son lien avec le processus de démocratisation qui a pris place vers la fin des années 80 (les deux textes de références ont été publiés en 1991). La première lecture “Autoritarisme et démocraties en Afrique noire” de Jean-François Médard nous offre un cadre d’orientation général pour pouvoir comprendre le phénomène de l’autoritarisme et son affaiblissement en faveur de la démocratisation dans son ensemble en Afrique noire[1]. La deuxième, le chapitre “The Nigerien Political System” du livre Niger: Personal Rule and Survival in the Sahel de Robert Charlick, nous présente un cas particulier, notamment l’expérience du Niger, qui depuis son indépendance en 1960 a vécu 3 régimes différant mais semblables en même temps. La comparaison entre les deux étant impossible, vu les perspectives et les buts différents des auteurs, nous nous servirons de l’un pour mieux comprendre et expliquer les raisons de l’autre. Dans notre façon de procéder, nous chercherons à suivre le plus possible la structure originelle des textes, dans le but de comprendre la logique suivie par les auteurs. La première partie sera donc dédiée à une présentation des textes: le point de départ sera l’article de Jean-François Médard qui nous ouvrira le chemin pour une meilleure compréhension du cas Nigerien et nous offrira en même temps un cadre de référence général. La deuxième partie sera ensuite consacrée à une critique plus générale dans le but de souligner les éléments de force et les éléments de faiblesse des deux textes, s’il y en a. |
1- «Autoritarismes et démocraties en Afrique Noire» de Jean-François Médard Prémisse nécessaire pour pouvoir comprendre le sens de cet article est la prise de conscience de la part de l’auteur de la difficulté de qualifier les changements politiques qui se sont produits en Afrique comme le début du processus de démocratisation et son emprunt de l’expression “décompression autoritaire” de Jean-François Bayard. L’Afrique ayant connu des nombreux régimes autoritaires depuis la décolonisation, le passage à la démocratie n’apparaît pas très simple. Pour qualifier les actuels changements politiques en Afrique, on met en avant le processus de démocratisation. Il est trop tôt pour dire encore s’il s`agit vraiment d’un processus de démocratisation; on est plutôt en présence pour l’instant, comme le dit fort bien J.F. Bayart, d’un processus de décompression autoritaire. Mais ce qui est sûr, c’est qu`on assiste à une crise des autoritarismes : partout, ils sont mis en question. C’est la première fois que cela arrive et il faut s’en réjouir sans réserves mais aussi sans illusions : il est plus facile en effet de passer de la démocratie à l’autoritarisme que l’envers.[2]
Ces quelques lignes clarifient tout de suite la position de l’auteur: l’autoritarisme est une réalité en Afrique, l’autoritarisme est incontestablement en crise, cela est très positif mais il ne faut pas se faire d’illusions parce que le passage à la démocratie, au moins au modèle démocratique occidental, n’est pas immédiat, ni simple. Cela dit, Médard organise son texte d’une façon très claire. Dans le but de fournir un bilan de l’autoritarisme africain il procède selon 3 étapes: dans un premier temps il met en évidence les variables et les constantes de l’autoritarisme, ensuite il présente 3 types principaux d’autoritarisme en le mettant, enfin, en relation avec les expériences démocratiques africaines. Les éléments constants de l’autoritarisme africain individués par Médard sont: -une forte compétition pour l’allocation et la répartition des ressources économiques et politiques qui donnent accès au pouvoir (la “politique du ventre”) -l’interchangeabilité de pouvoir et richesse comme moyens pour parvenir à l’un ou l’autre (le pouvoir donne accès à la richesse, la richesse donne accès au pouvoir) -l’utilisation de la violence pour régler le conflit naissant de cette compétition totalisante et le lien presque structurel avec le patrimonialisme, qui tend à s’associer au clientélisme et à la cooptation -le besoin de légitimation qui s’exprime à deux niveaux, idéologique et symbolique. La légitimation idéologique se base sur les mythes du développement et de l’unité, sur l’exploitation de slogans et stéréotypes afin de monopoliser la scène politique publique et consentir la mise en scène du pouvoir. Par le biais du modèle de parti unique les régimes autoritaires, peut importe si militaires ou civils, proposaient un encadrement politique apparemment institutionnalisé et légitime. La légitimation symbolique repose sur des échanges fondés sur la distribution et le respect du principe de réciprocité qui donne lieu aux pratiques du clientélisme, de népotisme, de patronage et de copinage. En résumant, la légitimation des régimes autoritaires requiert la mise en place simultanément d’une mise en scène rhétorique et d’une pratique sociale concrète. Pour ce qui concerne les variables, Médard laisse à coté les variables qu’il définit “les plus évidentes”, notamment le militarisme et le socialisme, en faveur de 3 éléments qui peuvent à son avis faciliter la compréhension de la classification qu’il donne des régimes autoritaires: le degré de patrimonialisme, le mode de gestion de l’État patrimonial (qui peut être basé sur le recours à la violence ou sur la distribution), le rôle des sociétés civiles et leur degré d’autonomie. B) Types principaux d’autoritarisme. En se basant sur les variables précédentes Médard repère 3 types d’autoritarisme: sultanisme, autoritarisme dur et autoritarisme modéré. Il sépare le premier des autres deux, tout en spécifiant quand même la difficulté d’établir le seuil de passage de l’un à l’autre, difficulté liée au fait qu’il s’agit de différences de degré, non de nature. Le sultanisme (expression empruntée à Max Weber ) présente des caractéristiques très nettes: il s’agit d’un régime patrimonial arbitraire, sanglant, la forme la plus extrême du régime autoritaire africain, incluant un nombre élevé de victimes de la violence politique, un système politique non institutionnalisé et un style de pouvoir personnel souvent amoral et fondamentalement incontrôlé et incontrôlable. Les exemples plus connus sont le régime d’Idi Amin Dada en Ouganda, de Jean-Bedel Bokassa en Centrafrique et de Macias Nguema en Guinée équatoriale. Dans ce type de régime le degré de violence politique dépend directement de la personnalité du chef autoritaire. La variable individuelle (tout à fait imprévisible) joue, donc, un rôle déterminant. Dans les autoritarismes durs et modérés la logique patrimoniale est différente, ils reposent sur un recours à la violence plus rationnel et sur la distribution. L’élément déterminant de la distinction est donc la gestion de la violence. Les autoritarismes durs (comme le Cameroun d`Ahidjo ou le Malawi de Kamizu Banda) présentent un degré de violence élevé mais très rationnel (qui engendre une peur continue et insidieuse), le recours instrumental et ciblé à la violence, un régime policier répressif mais performant, le contrôle absolu de la presse et, élément assez curieux, la capacité du régime de maintenir une certaine discrétion et de ne pas faire parler de soi même à l’extérieur. Les autoritarismes modérés tolèrent une presse plus libre ou, dans le cas où elle serait contrôlée, une certaine liberté de parole, opinion et information, une utilisation de la violence à une échelle différente et une société civile parfois plus autonome. L’autoritarisme apparaît en toutes ses formes comme un phénomène très complexe, dont les nuances souvent jouent un rôle déterminant dans le passage d’une forme à l’autre. En tout cas, pour le citoyen moyen il s’agit d’une expérience difficilement supportable. C) Relation entre démocratie et autoritarisme En dépit d’un système oppressif et violent, les expériences aussi dites démocratiques africaines ne naissent pas de la volonté et de l’action de la société civile mais de la mobilisation de la classe dirigeante, à la fin de la période coloniale comme aujourd`hui. Au début de la décolonisation en effet les partis et leurs leaders se servirent de la revendication démocratique pour atteindre l’indépendance nationale et se garantir l’accès aux ressources et à l’État. Une fois arrivés au pouvoir les dirigeants politiques se sont démontrés incapables de maintenir la cohésion et surtout de se partager le pouvoir. Le multipartitisme étant donc dépourvu de la culture politique nécessaire à sa survie, le passage au parti unique était presque inévitable. Des coups d`État militaires eurent lieu partout, mais ils s’avérèrent inefficaces. C’est à ce point là que la démocratie retrouve ses chances et on assiste vers la fin des années 80 à une nouvelle vague démocratique (ou bien de décompression autoritaire). Comparé au modèle occidental ce phénomène de démocratisation met en évidence toute sa précarité, sa faiblesse et sa distance des standards démocratiques généralement reconnus, mais s’il est confronté aux autoritarismes diffusés en Afrique, il augmente sans doute sa valeur. Cette « relativisation » du phénomène de la part de l’auteur nous oblige à nous poser une question sur l’Afrique en tant qu’objet de la science politique : est-il possible de considérer les cas africains dans leur banalité, comme suggérait le professeur Gazibo dans son article[3], quand ils ont des caractéristiques propres qui les éloignent des modèles pré connus? Dans le chapitre 3 de son livre, dédié au système politique nigérien, Robert Charlick nous présente les 3 régimes qui ont guidé le Niger depuis son indépendance en 1960. Le chapitre est organisé d’une façon très claire et il nous permet de bien comprendre la structure politique du pays, tout en mettant en évidence les éléments constamment présents dans la période envisagée. C’est pour cette raison qu’au lieu de présenter chaque régime en détail, nous préférons suivre la même logique dans la volonté d’obtenir une vision d’ensemble, où les aspects de continuité et les variables du système politique soient mis au premier plan. La vie politique du Niger depuis son indépendance est donc marquée par la succession de 3 régimes :
Ces trois expériences, tout en se caractérisant par l’affirmation d’un régime personnel, présentent des aspects communs, liés à la structure de l’État, à la nature du pouvoir politique et à la participation populaire, en particulier des organisations intermédiaires (notamment les organisations du travail et les étudiants). Indépendamment de la période envisagée les régimes nigériens présentent la même structure et, si on peut utiliser cette expression, le même type d’évolution (naissance, développement et écroulement) : la construction d’un apparat étatique basé sur une bureaucratie autoritaire, l’affirmation progressive d’un régime personnel causée par l’impossibilité de réussir dans ce but et la tentative de mobiliser la population et la pousser vers une participation plus active. Les problèmes principaux aux quels le Niger a dû faire face depuis son indépendance sont le maintien de l’ordre à l’intérieur de l’État et la promotion du développement économique. Tous les dirigeants politiques ont cherché donc à trouver une solution durable permettant à l’État nigérien de se consolider et évoluer. Dans un premier moment tous ont cru trouver la réponse dans la concentration du pouvoir au niveau central et dans un apparat bureaucratique fortement centralisé en mesure d’implémenter les décisions prises par l’exécutif. « Each
regime has believed the solution essentially lies in concentrating power
in the centre and constructing a more powerful, more responsive
bureaucracy to implement centrally determined decisions»[4] Dans un contexte où l’exécutif était constitué d’un nombre très limité de personnes souvent soumises à la volonté du leader, il est évident que la combinaison bureaucratie autoritaire- régime personnel ne pouvait pas être performante. De plus, si on prend en considération le fait que le pays ne disposait pas des ressources ni des moyens pour promouvoir son propre développement, on peut facilement comprendre que la coordination et le contrôle de la bureaucratie deviennent eux-même un problème. Appartenir à l’apparat bureaucratique était considéré un moyen pour fuir la vie rurale (qui ne laissait pas d’espoir pour une amélioration des conditions de vie) et pour augmenter ses propres richesses et celles du réseau personnel de relations (basées sur le clientélisme et le patronage) que chaque fonctionnaire avait mis en place. Si a cela on ajoute le « facteur héritage », c’est à dire l’influence d’une administration française autoritaire et centralisée qui n’a pas contribué à la création des bases nécessaires pour un nouvel état nigérien fort et stable, les contradictions au sein du système apparaissent incontournables. B) La nature du pouvoir politique Lors de leur montée au pouvoir les nouveaux chefs du Niger ont dû faire face à une situation inédite : un État indépendant, un corps de fonctionnaires non préparés, un modèle politique basé sur les relations personnelles patron-client - produit de la période pré-coloniale - et l’absence d’un soutien économique et administratif extérieur. Dans la définition de ses nouveaux objectifs tous ces aspects devaient être pris en considération. Le chef devait donc maintenir l’ordre, en même temps il devait trouver la façon de rester au pouvoir, de créer un système pour la génération de ressources internes dans le but de diminuer le degré de dépendance de l’extérieure et d’augmenter la qualité et les standards de vie afin de satisfaire les attentes de la population. Favoriser le développement économique et en même temps consolider l’État, dans le but de garantir l’ordre est toujours difficilement réalisable. Vouloir réussir dans un pays pas solide, où la structure bureaucratique est non coordonnée, complètement détachée de la population et se heurte avec le pouvoir politique et où le pouvoir est de plus en plus concentré dans la personne du chef qui a le contrôle de tout et qui, néanmoins, se propose d’élargir la participation populaire pourrait se révéler utopique et dangereux. La personnalisation du pouvoir à laquelle on assiste en trois cas différents au Niger est considérée par l’auteur comme le résultat de l’incapacité de créer une bureaucratie capable d’être l’instrument souhaité de contrôle central et d’application des décisions. «Unable
to forge the bureaucracy into a powerful instrument of central control and
policy implementation, and with no powerful national party, Niger’ s
leaders have been unable to maintain an effective, indigenous,
bureaucratic-authoritarian state. They have therefore had little choice
but to personalize their regimes, thereby weakening their institutional
effectiveness.»[5] Charlick identifie deux différents types de personnalisation au Niger: la concentration du pouvoir dans les mains du leader et de son group restreint d’hommes loyaux et l’emploi du patronage comme instrument pour garantir la survie du système. Inutile de souligner que la corruption était un élément propre de ce système parce qu’en dépit de ses efforts le chef n’était pas en mesure de tout contrôler et par conséquent le pouvoir se diffusait parmi les fonctionnaires qui géraient leur partie du réseau selon leurs propres intérêts (qui ne correspondaient pas toujours aux intérêts du patron). De plus le manque de ressources rend la situation encore plus difficile. La prise de conscience de cette impasse, en trois moments différents, de la part de chacun des leaders du Niger a amené à la tentative de mobiliser la population. C) La participation populaire et les efforts de mobilisation Dans le but de sortir de l’impasse dans laquelle se sont trouvés après la période de leur affirmation au pouvoir, soit Diori que Kountché ont décidé d’engager davantage le peuple par le biais d’un effort de mobilisation. Les raisons de cette décision sont multiples : il fallait élargir la base productive économique, diminuer les coûts du gouvernement, créer des liens politiques effectifs avec la société de village, qui jusqu’à ce moment n’avait eu aucun rôle. Each
major effort at mobilization in independent Niger, the
animation-cooperative program and the Development Society, has been based
on a “populist” ideology-the ideas that the people as a whole can
progress, that no social or economic cleavages are significant, and that
there is an essential economic and political equality of the “people”.[6] Les deux ont échoué parce qu’ils ont proposé des solutions très limitées qui n’ont pas consenti une véritable mobilisation capable d’aller au-delà de leur régime personnel. Le type
de mobilisation choisie était par contre différent : Diori opta
pour un programme nommé Programme d’Animation, où on cherchait une
mobilisation à niveau rural à travers la création d’une
nouvelle élite et le changement de la structure pré existante ;
Kountché un programme nommé Société de développement qui visait à
restructurer les élites existantes. Les deux programmes n’obtirent pas
les résultats espérés, l’un à cause de l’opposition des élites et
de la bureaucratie existantes qui voyaient leurs intérêts menacés,
l’autre parce qu’il ne permettait pas une ouverture à des acteurs
nouveaux. Le temps nous dira si les changements que Saïbou a apportés à la Société de développement pour l’élargissement de la base institutionnelle du régime seront efficaces. La dernière partie du chapitre souligne avec force les faiblesses de la société et de l`État nigérien, une double faiblesse qui lui a empêché de réaliser trois objectifs : se développer; consentir une participation plus étendue aux institutions et permettre à la société une participation au niveau local. L’État s’est démontré incapable de concilier la participation populaire et le régime personnel en place. Cette faiblesse pourtant était assez forte pour consentir au chef de maintenir un certain ordre et garder le contrôle dans ses mains (grâce à la mis au ban, à l’emploi de menaces, de la force et de la violence, de la cooptation et de l’offre de récompenses) aidé de ce point de vue du manque de force des organisations intermédiaires existantes, le travail organisé et les étudiants. En conclusion le Niger depuis son indépendance a montré d’être un état faible, mais assez fort pour pouvoir imposer des régimes autoritaires. Le texte de Médard est assez clair et linéaire dans son développement, il prend en considération des aspects habituellement marginaux et les transforme en éléments déterminants. En même temps il est difficile de saisir exactement les différences qui permettent de classer un type d’autoritarisme par rapport à l’autre. Par exemple, si d’un coté la variable psychologique, liée à la personnalité du chef du régime, se révèle très importante, son utilisation rend quand même difficile, et souvent arbitraire, de déterminer clairement la limite entre un régime autoritaire dur ou modéré. La même critique est valable pour l’évaluation du degré de violence. L’auteur ne nous fournis pas les éléments pour pouvoir évaluer le niveau de violence de façon objective, évaluation qui serait pourtant plus simple par rapport à l’évaluation de la variable individuelle. Cela rend la classification des expériences autoritaires africaines selon ces critères très incertaine. Une ultérieure remarque est liée à la société civile: Médard ne s’en préoccupe pas trop, en partie parce que son rôle dans la vie politique et sociale est tout à fait en marge de la scène politique (Pourquoi? Quels sont les raisons de cette marginalisation? Grâce à quels moyens le régime autoritaire réussit à la contrôler?). Il pourrait être intéressant, par contre, enquêter sur son identité, sa composition et sur les raisons de cette exclusion. Un élément intéressant est la séquence presque cyclique (accès au pouvoir, affirmation, effondrement, coup d’état qui crée l’accès au pouvoir d’un autre group, affirmation de ce dernier…) crée par Médard, qui met en évidence l’importance relative du type de régime imposé par rapport à la structure même du système : peu importe qu’il s`agisse d’une tentative d’affirmer la démocratie ou de l’imposition d’un régime autoritaire, en tout cas il ne peut pas y avoir des perspectives de développement si en premier lieu on ne renforce le système à la base, à travers la responsabilisation de l’apparat dirigeant et l’allégement des conditions contextuelles. Le texte sur le Niger est bien structuré et prend en considération les éléments que Médard avait laissés en marge : le rôle de l’apparat bureaucratique à côté et au service du chef autoritaire et le rôle ou mieux le non-rôle de la société civile, incapable de s’imposer même quand on cherche sa participation. Même s’il est assez claire que l’une des raisons de cette faiblesse est l’emploi de méthodes coercitives de la part du pouvoir central, Charlick cherche à nous expliquer la nature et les causes de l’histoire politique du Niger en se servant de plusieurs facteurs sans se limiter à la violence. À quel type d’autoritarisme correspondent les régimes personnels présentés dans le texte de Charlick? On peut exclure le sultanisme parce qu’aucun des régimes nigériens n’a été si arbitraire et sanglant, mais le choix entre autoritarisme dur et modéré n’est pas évident. Si on prend en considération le degré d’autonomie et de participation de la société civile on a vu comme les tentatives de mobilisation étaient en conflit avec le contrôle du pouvoir central; en même temps on ne peut pas nier la valeur de la mobilisation en elle-même (un régime durement autoritaire consentirait-il aux syndicats et aux étudiants de s’exprimer?) ni l’importance de l’existence des organisations intermédiaires, même si limitées dans leur action. Même le degré d’utilisation de la violence est difficilement quantifiable, mais l’emploi de la violence et de systèmes de coercition est sûr. On n’a pas d’éléments relatifs à la liberté de presse et d’expression. Quel autoritarisme donc pour le Niger? Mais surtout les changements mis en place par Saïbou doivent être considérés comme un passage à un stade plus modéré d’autoritarisme ou il s’agit du début de la décompression autoritaire annoncée par Médard? [1]
(pour l`instant on continue à utiliser ce terme, tout en préférant
quand-même la solution proposée par l`auteur qu’on verra ensuite).
[2] Jean-François Médard, «Autoritarismes et démocraties en Afrique noire», Politique africaine n° 43, Octobre 1991, p. 92 [3] Mamoudou Gazibo, «L`Afrique en politique comparée», Polis, Revue Camerounaise de science politique, numéro spécial 2001, p. 1-18 [4]
Robert Charlick, «Nigerien Political System», Niger :
Personal Rule and Survival in the Sahel, Boulder and San
Francisco, Westview Press, 1991, p. 77 [5] Ibidem, p.79 [6] Ibidem, p. 81
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