(2 avril) Consolidation ou démocratique Vs restauration autoritaire : études de cas

Isabelle Toche (2ème rapport de lecture)

Consolidation ou démocratie Vs restauration autoritaire : études de cas

Ø     Jean-Pierre DOZON, « La Côte d’Ivoire entre démocratie, nationalisme et ethnonationalisme »,Politique Africaine n. 78, Juin 2000

 Ø     Daniel COMPAGON, «  Zimbabwe : l’alternance ou le chaos », Politique Africaine, Juin 2000

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I) Côte d’Ivoire et zimbabawe : Deux modèles de stabilité
A) Une stabilité générale. . . 
B) Usure du pouvoir ou une après «  pères de l’indépendance » difficile.

II) Une politisation de l’appartenance ethnico-religieuse . . .
A) Servir des intérêts politiques à travers un  calcul politique stratégique
B) Un contexte économique favorable à cette politisation.

III) . . .qui compromet le processus de démocratisation
A) Les répercussions économiques
B)  L’instabilité politique


         Abraham Lincoln a dit en son temps que «  la démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Si la notion de peuple est extrêmement présente dans cette définition et en constitue le requisit, il semble bien que la définition de ce peuple est la condition sine qua none de la réalisation de la démocratie. Les deux pays étudiés à travers les textes de Dozon et Compagnon ont apparemment rien en commun, du moins d’un point de vue purement géographique. Pourtant, au de là de ce simple constat, il semble que la Côte d’ivoire d’une part et le Zimbabwe de l’autre voient remise en cause le qualificatif de «  modèle » qu’on avait autrefois l’habitude de leur accoler. En fait les deux pays subissent les contre coup d’une démocratisation en crise ( fatale?).Dans quelle mesure les processus de démocratisation de ces deux pays sont comparables ? Nous allons voir comment après avoir été considérés chacun à leur manière comme des modèles , ces deux pays se sont emparés du thème ethnique qui lui même remet en cause la démocratisation.

I) Côte d’Ivoire et zimbabawe : Deux modèles de stabilité

  L’Afrique dans son ensemble est souvent perçue comme un continent qui serait en proie à l’instabilité politique et aux guerres surtout depuis le tournant des années 90. Toutefois pendant longtemps, la Côte d’Ivoire de Félix Houphouët-Boigny  et le Zimbabwe de Robert Mugabe ont été chacun à leur manière considérés comme des modèles de stabilité dans leur aire géographique respective. Quel était la nature des facteurs qui favorisaient cette stabilité et en quoi ce modèle ne peut plus fonctionner aujourd’hui?

A) Une stabilité générale. . . 

                  On ne saurait comprendre de façon exhaustive tous les aspects politiques en occultant les aspects économiques. La Côte d’Ivoire était admirée pour son « miracle économique » et faisait figure de locomotive  de la région d’Afrique de l’ouest. En effet, les années 70 ont été celles du « miracle ivoirien » et le pays était en plein boom économique grâce aux prix élevés du cacao et du café. Le système scolaire et le système de santé se développent et c’est également l’époque des grands travaux grâce à des prêts avantageux. De même le Zimbabwe était auparavant considéré comme le « grenier » de l’Afrique australe et disposait d’importantes ressources naturelles.

On louait également la stabilité politique dont jouissait la Côte d’Ivoire depuis son indépendance acquise en 1960. Le personnage politique symbole de cet âge d’or est Félix Houphouët-Boigny président de 1960 à sa mort en 1993 et qui avait fondé auparavant le PDCI ( Parti Démocratique de Côte d’Ivoire). Dès l’indépendance on a assisté à une pacification politique en imposant une hégémonie autour de sa personne. Mais le 24 décembre 1999, ce pays a connu son premier coup d’Etat de son histoire. De même, le Zimbabwe constitue lui aussi un « modèle économique au début des années 80 pour toute l’aile libérale de l’establishment blanc sud africain »[1]. On voit aussi dans ce pays le précurseur d’une certaine démocratie africaine grâce à une indépendance fondée sur le compromis historique avec la minorité blanche. Après l’indépendance l’ancienne colonie britannique Rhodésie du Sud a connu paix et une certaine prospérité. Or, aujourd’hui le pays est en proie à une remise en cause de ce modèle et c’est pour cette raison que le titre de l’article de Daniel Compagon  contient le mot « chaos ». En effet, au pouvoir depuis vingt ans , le Président Robert Mugabe a détruit peu à peu l’Etat de droit au Zimbabwe en encourageant en l’an 2000 l’expropriation sans indemnisation des fermiers blancs et ne respecte même plus le droit de propriété.             

B) Usure du pouvoir ou une après «  pères de l’indépendance » difficile.

 On a vu que ces deux pays sont en période de mutation au tournant du millénaire et cette mutation se conjugue sur le mode de la dégénérescence. Comment explique ce phénomène? Quels étaient les fondements de chacun des deux modèles?

 En fait, et comme je l’ai déjà évoqué, le système politique repose sur une personne et il lui est inextricablement lié.  Que ce soit avec Houphouët-Boigny pour la Côte d’Ivoire ou Mugabe pour le Zimbabwe, l’appareil politique repose sur un chef et sa destinée est donc surdéterminée par celle du chef. Ainsi, en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, la mort de ce personnage clé en 1993 a entraîné la décomposition du système qui lui était attaché et qui avait été construit autour de lui. Le pays est à la recherche de lui-même depuis ce temps et c’est ce qui fait dire à la revue « Jeune Afrique » au lendemain du coup d’Etat de Noël 1999 que la Côte d’Ivoire est entrée dans l’ère de l’ » après Houphouët-Boigny ». Tout changement de régime est accompagné des mutations politiques, économiques et sociaux dont il est porteur. Les troubles de la Côte d’ivoire à ce moment là peuvent être interprétés comme étant des répliques du séisme politique provoqué par la mort du « père de la nation », comme on le surnommait. En ce qui concerne le Zimbabwe, il s’agit plutôt d’une usure du pouvoir car il dirige le pays de sa main de fer depuis plus de vingt ans et il est aussi le premier Président de l’histoire du pays. Si ici le chef n’est pas mort physiquement, il tend à le devenir politiquement comme tendent à le montrer depuis quelques temps les sondages auprès de la population. C’est justement pour tenter d’enrayer cette mort politique que le vainqueur de Smith tente par tous les moyens de conserver le pouvoir et c’est cette démarche qui remet en cause la stabilité que connaissait le pays.

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 II) Une politisation de l’appartenance ethnico-religieuse . . .

A) Servir des intérêts politiques à travers un  calcul politique stratégique

 En fait, les deux pays ont besoin de nouveaux débats politiques l’un de part la mort de Houphouët-Boigny, l’autre pour remobiliser les foules en sa faveur.  Dans les deux cas, il s’agit de servir des intérêts politiques et cette politisation de l’appartenance ethnique et religieuse est le fruit d’une volonté politique bel et bien délibérée.

En Côte d’Ivoire, le débat public se polarise autour de la question de l’enjeu de la citoyenneté et de la nationalité. Cette question de la nationalité tourne elle même autour du concept d’ »ivoirité ». Dès son arrivée au pouvoir en 1993, Henri Konan Bédié ,qui a succédé au «  vieux », a ouvert la boîte de Pandore de l’ivoirité en voulant l’utiliser à des fins stratégiques. Celle-ci est un moyen pour lui de se construire une légitimité particulière. Ce concept a été initié au départ pour écarter Allassane Ouattara et il a été ensuite repris et amplifié par Gbagbo qui savait pertinemment que son parti perdrait dans un combat loyal contre ce même Ouattara et c’est pour cette raison que les conditions d’éligibilité ont été reformatée de manière à le rendre inéligible. Malheureusement ce concept a dépassé la personne d’Allassane Ouattara. La Côte d’Ivoire, terre d’hospitalité pour les étrangers bascules dans la xénophobie et l’on peut encore se demander si les paroles de l’hymne national ont encore une signification : « Salut, Ô Terre de l’espérance, Pays de l’hospitalité » de même que la devise nationale qui est « UNION -Discipline-Travail ». Une des composante majeure de l’ivoirité est constituée par la fracture Nord-sud. Cette fracture constitue une remise en cause de la citoyenneté ivoirienne car elle exacerbe la scission entre le « pays des savane » du nord musulman et le « pays des forêts » du sud, majoritairement chrétien. Le renversement de Bédié par le Général Gueï lors du coup d’Etat n’ a pas remis en cause ce concept. En effet, il a mis en place une nouvelle constitution et planifié des présidentielles pour octobre 2000. Or, c’est justement parce qu’Allassane Ouattara ne rempli pas les critères de la condition d’ivoirité qu’il est écarté de l’arène politique pour cause de « nationalité douteuse »[2].En effet, ce dernier est musulman, il vient du nord et il a représenté le Burkina Faso dans plusieurs organismes internationaux. Les deux conditions d’éligibilité sont drastiques « celui-ci doit être non seulement ivoirien, c’est à –dire né sur le sol national), mais aussi que ces deux ascendants soient nés eux-même en Côte d’ivoire, et on trouve aussi l’obligation de ne s’être jamais prévalu d’une nationalité autre qu’ivoirienne[3] ». Bédié est quant à lui un Baoulé du sous-groupe des Akans. Les Baoulés sont considérés comme supérieurs et prédisposés au commandement[4]. Ainsi se forme une sorte d’ »ethnocratie » faisant du mode baoulé « le fer de lance quasi-exclusif de l’ivoirité ». En fait, J-P Dozon tend à montrer que si « la question de l’ivoirité est au cœur du débat public », il n’en reste pas moins vrai que cette question a en réalité des racines bien plus anciennes. Historiquement, le sud, berceau de » la société civile ivoirienne »[5]  a connu un fort développement grâce au commerce tandis que le nord a eu tendance au mieux à stagner. Les Musulmans de cette région, où domine donc l’islam, se sentent perçus comme étant des citoyens de seconde zone par opposition à un sud plutôt chrétien. A cette faille nord-sud, qui constitue l’une des « trames essentielles de  l’histoire de la Côte d’ivoire »[6], s’ajoute la question de l’immigration  dans ce pays. La Côte d’ivoire est peuplée de 11 millions d’habitants dont 30 à 40 % d’étrangers, dont 97% proviennent des pays avoisinant et on trouve dans le nord une forte minorité burkinabaise. Dès les années trente, certains remettent en cause le fait que les Sénégalais et les Dahoméens occupent trop de places dans les emplois publics[7]. Dans  les années soixante-dix ont a pu assister à une ivoirisation des emplois publics. Pour le parti au pouvoir le PDCI, l’ivoirité n’est en aucune manière un instrument d’exclusion ou de hiérarchisation des ivoiriens, mais au contraire l’affirmation de l’identité nationale. Ce n’est pas de cette façon que les choses sont interprétées du côté musulman qui dénoncent « une guerre ethnico-religieuse »[8].

 

En ce qui concerne le Zimbabwe, ce pays compte une minorité blanche, d’origine britannique, qui représente moins de 1% de la population totale, mais qui elle détient à elle seule 70% des terres fertiles. Du constat de ce décalage, et la volonté politique d’y mettre fin, serait né la politisation de l’appartenance ethnique. C’est pour cette raison que début 2000, Mugabe lance une politique de réforme agraire et plus de 1500 fermes sont occupées en juin 2000 [9]. Il fait monter la tension raciale en affirmant que la possession de mines par les Britanniques n’est plus acceptable et qu’il veut africaniser tous les secteurs économiques[10] afin de réparer les tords de l’héritage colonial. En fait, là encore, il s’agit d’un calcul politique stratégique de la part de Mugabe qui désire poursuivre son règne malgré son impopularité. En effet, en février 2000, il a perdu un référendum sur  la constitution. Le calcul politique se situe là : afin de récupérer de sa popularité perdue, il joue la carte raciale. C’est pourquoi en avril 2000, à quelques semaines des élections législatives de juin 2000 qu’il craint de perdre, Mugabe agite la question raciale. Le pays est alors en proie à la violence raciale contre les fermiers blancs[11] et cette violence est entretenue par le ZANU-PF ( Union nationale Africaine du Zimbabwe- Front Patriotique),  le parti qui soutient le président. Cette option radicale choisie par Mugabe révèle que « le dictateur de fait a besoin des élections pour obtenir un semblant de légitimité populaire »[12]  . Cette guerre de Libération contre les blancs est un tactique politique utilisée afin de garder le pouvoir en mobilisant les foules . C’est ainsi que le libérateur du peuple en est devenu l’oppresseur aujourd’hui.

B) Un contexte économique favorable à cette politisation.

          Cette retribalisation de l’espace public a bénéficier de l’effet catalyseur des conditions économiques et là encore les aspects politiques sont en partie surdéterminés par des facteurs économiques. En Côte d’ivoire, comme ailleurs d’ailleurs, au moindre problème économique, c’est l’étranger qui subit les premiers contre coups.Pour reprendre les mots de Jean Pierre Dozon,  « La Côte d’ivoire ne serait plus en mesure d’accueillir dans les mêmes conditions qu’autrefois les ressortissants des pays limitrophes »[13].  Les années 80 marquent un certain déclin économique avec la baisse des prix et les tensions s’exacerbent avec la raréfaction des ressources. Les étrangers ou les citoyens de seconds rang sont accusés de faire grimper le chômage des « ivoiriens de souche » qui serait de 6,4% pour ces derniers contre 3,6 %[14] pour les immigrés et cela renforce donc les sentiments xénophobes.  La littérature abonde de référence aux secteurs contrôlés par les étrangers et les chiffres affirment que malgré le faible taux d’instruction des immigrés, ils ont la main-mise dans les secteurs d’activité nationale comme le  commerce, les entreprises agro-idustrielles… Les dispositifs d’ivoirisation et le caractère nationaliste de la loi foncière en milieu rural trouvent leurs fondements dans cette logique. Selon les personnes qui développent des sentiments xénophobes à l’égard des Ivoirins du nord avancent l’idée  que cette monopolisation de son économie par des allogènes  pose un problème  quant à la survie et la liberté du peuple ivoirien. Dans ce pays les burkinabés se ont historiquement occupés les emplois qui passionnaient peu les ivoiriens de souche ( les petits boulots,, manœuvres dans les plantations etc…). Par ce statut professionnel «  inféreiur » dans l’imaginaire ivoirien , les immigrés burkinabés sont socialement déclassés. Le déchaînement contre la candidature de A. Ouattara est à mettre en relation avec cette construction sociale burkinabé de son identité. Il paraît inimaginable pour l’ivoirien de souche de se laisser gouverner par un Burkinabé.

 

 De même, au Zimbabwe, le contexte économique favorise cette politisation du thème ethnique car certains donnent raison à Mugabe dans sa politique de réforme foncière afin de mettre fin à la domination de la minorité blanche[15]. En juin 2001 il décide d’étendre cette reforme lancée en 2000 et généralise les expropriations des fermes appartenant aux ex-colons britanniques pour les redistribuer aux noirs sans terre d’après une motivation économique. Le conflit se radicalise par les propos violents tenu par le président à l’égard de la Grande-Bretagne.

Ainsi, en Côte d’ivoire, où l’immigration est vécue comme un problème majeur, et au Zimbabwe, les tensions foncières s’articulent aisément à la mobilisation politique de l’autochtonie.  

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III)           . . .qui compromet le processus de démocratisation

A) Les répercussions économiques

Si le contexte économique favorise les trajectoires de chacun des deux pays, on peut remarquer que celles-ci ont également des effets sur le domaine économique (et ainsi la boucle est bouclée!). Ainsi, en Côte d’ivoire le « pays du miracle » voit son instabilité politique doublée d’une instabilité économique qui elle même compromet la démocratie car  on a mis en place un système  où les ayants –droits qui se définissent sur un mode ethnique jouissent de privilèges. Il y a donc là un défi économique à relever , à savoir assurer l’égalité des citoyens devant les effets de la pauvreté et favoriser une redistribution judicieuse ainsi que renforcer la production de richesse. Le contraire est source de tensions sociales. Le retour à la confiance des investisseurs dans l’économie ivoirienne est fortement corrélé la capacité politique interne de régulation des incertitudes politiques.

 

Au  Zimbabwe, la terreur politique menée par Mugabe a des conséquences fâcheuses sur l’économie. En effet, le pays sombre de plus en plus dans le marasme économique. Les violences contre les propriétaires de fermes visent aussi les travailleurs noirs qui se voient contraints de quitter la propriété saisie et se retrouve du coup sans abris et sans emploi. Au vue de la violence et des pillages contre les propriétaires de fermes, on ne peut s’empêcher d’avoir à l’esprit les images de l’URSS qui en son temps menait la même politique contre les Koulaks. De plus, les investisseurs étrangers fuient le pays. En avril 2000, 74% des zimbabwéens vivaient sous le seuil de pauvreté et les chômage ainsi que l’inflation atteignaient le chiffre record de 55%[16]. La situation s’est aggravée cette année en mars 2002, quand nouvellement réélu pour son cinquième mandat, le président Mugabe a annoncé la relance de sa campagne d’expropriation des fermiers blancs. De plus, sur le plan économique, l’intervention militaire en RDC est «  une guerre au dessus des moyens du Zimbabwe[17] »

B)  L’instabilité politique

Surtout, les événements qui secouent tant la Côte d’ivoire que le Zimbabwe ont des répercussion avant tout politiques remettant en cause les efforts pour mener à bien le processus de démocratisation. En Côte d’ivoire, le retour à la paix sociale est gravement menacée par les dérives de l’ivoirité. Les revendications souverainistes aux fondements ethnonationalistes sur fond de rivalités religieuses par lesquelles cette crise de croissance de la démocratie se donne à voir, offrent des arguments  pour des perspectives d’interprétations peu optimistes[18]. De part ces événements, la Côte d’ivoire inaugure un « processus démocratique fragilisé dans sa croissance par un ethnonationalisme qui en compromet la capitalisation durable des acquis »[19]. On assiste en fait à un assemblage de phénomènes  contradictoires à savoir la démocratie sur fond d’ethnonationalisme. La quête nationaliste n ‘est pas un phénomène nouveau en Côte d’ivoire. La construction intellectuelle de l’ivoirité a trouvé une projection dans le champ politique. Mais les modes de construction de son argumentation, les formes d’expression de plus en plus ethnonationaliste par lesquelles elle se décline remettent en cause la démocratisation. Le syndrome d’Allassane Ouattara est la le symptôme  de l’échec de l’Etat post –colonial dans la promotion de la citoyenneté, elle même bases de la démocratie. Le déchaînement des passions politiques autour de la participation ou non d’ADO, comme on surnomme Allassane Dramane Ouattara, est caractéristique de la fièvre nationaliste qui traverse la vie politique et sociale ivoirienne. Celle-ci se situe à mi chemin entre la recherche et l’affirmation de la maîtrise de sa vie politique, économique et culturelle. Il s’agit là de relever le défi de la citoyenneté. Le pouvoir  place son modèle de gouvernement sous le sceau de sa refondation. Dans le contexte de « fragmentation sociale avancée comme celui dans lequel se trouve la Côte d’ivoire, il s’agit d’envisager des creusets de participation et des formes de représentation politique susceptibles de sortir des cadres régionalistes et ethniques  pour produire de citoyens ». Le défi politique réside dans l’invention de mécanismes d’intégration au plan national.

En ce qui concerne le Zimbabwe, le processus de démocratisation est largement remis en cause  car à cause de la violence, les intimidations et les fraudes massives, ce pays s’enfonce à achever de ce discréditer et son régime s’enfonce dans l’autoritarisme. [20]Les Occidentaux accusent le «  roi Lear », comme l’appelle Alexandre Adler, de vouloir détériorer l’esprit  de réconciliation. Les fraudes électorales remettent en cause la définition même de la démocratie dans ce pays : les partisans de l’opposition vivent dans la terreur, des gens sont battus et torturés et cette fraude électorale masque de fait un régime de parti unique incompatible avec la définition de la démocratie qui elle prône le pluralisme. C’est pour cette raison qu’un observateur à dit «  les conditions politiques pour des élections démocratiques crédibles n’existent pas au Zimbabwe »[21]. En mars 2001, Mugabe s ‘en prend à l’appareil judiciaire[22] car celui-ci avait jugé illégale l’occupation des terres et on assiste  véritablement à un «  coup d’Etat contre le pouvoir judiciaire »[23]. Ainsi pour les élections présidentielles, s’il y a triche aucun  recours efficace auprès des tribunaux  ne sera possible afin d’enrayer les risque d’échec électoral. En effet, malgré la propagande qui présente le président Mugabe comme le héros libérateur contre la domination blanche et malgré les fraudes, le MDC a eu presque la moitié des sièges lors des législatives de juin 2000. La destruction par une mine de l’imprimerie du journal d’opposition le plus important du pays , le Daily news, est révélatrice de la terreur politique vécue dans ce pays. Il suffit d’ailleurs de repenser à la parodie d’élection à laquelle nous avons assisté en mars dernier où le pouvoir en place à eu recours à des casseurs pour intimider, l ‘opposition, menée par Morgan Tsvangirai, en l’accusant même d’avoir tramé un complot contre le Mugabe.

Enfin , au delà des risques encourus par la démocratie dans ce pays,  il y a également un risque de déstabilisation pour chacune des régions qui entourent la Côte d’ivoire et le Zimbabwe, ce dernier par exemple s’étant engagé dans les événements congolais. Le thème de l’ethnicisation  et de la redistribution des terres n’est pas exclusif à ces deux pays et on ne voit pas pourquoi l’Afrique toute  entière pourrait être épargnée.

 

Ainsi, ces deux pays ne sauront relever le défi de la démocratisation qu’à condition de relever ceux qui concerne la citoyenneté. Toutes les démocraties sont passées par cette étapes, à l’image par exemple de la France et de l’Allemagne qui se sont toutes deux interrogées sur la place données aux Alsaciens –Lorrains dans la définition de la nation. Mais la recherche de cette définition ne saurait se faire sous le mode de la violence politique et de la xénophobie sous peine de remettre en cause la démocratie.


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[1] Courrier International n. 564 23/08/01.

 

[3] Dozon page 46

[4] Dozon page 52, « les Baoulé avaient été façonnés par un sens aigu de l’Etat. »

[5] J-P Cheveau dans l’article de J-P Dozon in Politique Africaine, Juin 2000)

[6] Page 56. Dozon.

[7] Dozon page 50.

[8] porte parole du Conseil supérieur des Imams in www.afrique-express.com

[9] et les nouvelles occupations se sont accompagnées d’une recrudescence de la violence contre les fermiers blancs »page 10, Compagnon.

[10] « Après les terres, nous nous occuperons des mines » Mugabe, in Courrier International, juin 2000.

[11] Plus tard, le vice président J  Msika dira «  les blancs ne sont pas des êtres humains » août 2001.

[12] Mercédès Sayagues, Courrier International, 15/06/00, n.502.

[13] page 48

[14] jean Noel Loucou, 1996, in f.Akindès « A travers les origines et les incertitudes des mutations politiques récentes en Cote d’ivoire; le sens de l’histoire ».

[15] « les Africains ont le droit de reprendre les terres que les fermiers blancs leur ont volées »in Courrier International, n 496.

[16] Chiffres cité dans courrier international, avril 2000, n. 494.

[17] Page 22, Compagnon.

[18] Cf Akindès, opt. Citée.

[19] Akindès.

[20] Tous les moyens seront utilisés pour conserver le pouvoir », Compagnon page 8.

[21] In courrier international ,n. 502 15/06/2000.

[22] Il y aura la démission de la plus haute autorité judiciaire

[23] Courrier international, n. 539,01/03/01.