(12 mars) La démocratisation entre le rôle des élites, des militaires et de la société civile

Antonin-Xavier Fournier

 

Retour


Les élites politiques béninoises au temps du Renouveau démocratique : entre continuité et transformation

 Cédric Mayrargue

           S’il semble difficile de parler des pays africains comme des modèles de la démocratie, il existe néanmoins quelques exceptions qui en confirment la règle. À ce chapitre, le Bénin est un pays souvent cité en exemple. Pour preuve, la fin des répressions politiques, une liberté de presse grandissante et indépendante, un calendrier électoral méticuleusement respecté, une alternance du pouvoir et une élite politique en apparente mutation. Malgré tous ces changements, Mayrague, dans son article intitulé : Les élites politiques béninoises au temps du Renouveau démocratique, s’interroge sur le bouleversement des élites politiques au Bénin, près d’une décennie après la Conférence nationale qui devait sonner le glas des anciennes pratiques centrées autour de la corruption, du clientélisme et du favoritisme. Pour l’auteur, s’il ne fait pas de doute que le Bénin a subi de profonds changements institutionnels et démocratiques, les élites politiques, elles, n’ont guère changé leur pratique; tout au plus ont-elles simplement adapté leur pratique aux nouvelles contraintes imposées par la démocratisation.

 

Les apparentes transformations de l’élite politique béninoise : une chimère qui trébuche rapidement sur la réalité

 

Le 28 février 1990 marque la fin de la Conférence nationale. Suite à cette conférence, plusieurs observateurs de la scène politique béninoise croient en un véritable bouleversement de la classe politique. De fait, « à partir de 1990, ce ne sont plus les mêmes qui sont au pouvoir »[1]. Ainsi, les anciennes élites sont mises au banc des accusés. D’une part, l’ancien parti unique, le PRPB, n’arrive pas à participer activement à la Conférence nationale. D’autre part, les anciens présidents de la République, sont, par une mesure constitutionnelle, exclus des élections. La nouvelle élite béninoise est maintenant formée de cadres plus ou moins près de l’ancien parti au pouvoir et de béninois ayant oeuvré à l’extérieur du pays. Cependant, cette nouvelle élite constituait, dans les faits, soit les vestiges du passé - en effet, plusieurs béninois venant de l’étranger avaient déjà occupé des postes de premier plan dans les années 1960 - soit la continuité « camouflée », puisque plusieurs membres de la nouvelle élite étaient des proches de l’ancien régime, ayant, dans quelques cas, occupé des postes importants. Plus particulièrement, à partir de 1994, nous assistons à un retour progressif de l’ancien régime et au foisonnement de nouveaux partis s’en réclamant. Point culminant  de cette reconquête des élites béninoise, le retour en force de l’ancien président Kérékou. Faisant campagne aux côtés d’une coalition plurielle, comprenant même d’anciens ennemis, Kérékou doit cependant tenir compte des nouvelles réalités. Ainsi, lors de l’assermentation de son premier cabinet, on remarque que « les (nouveaux) ministres n’ont été que peu mêlés à l’ancien pouvoir. »[2] Rapidement, l’ancien président nouvellement élu consolide les assises du pouvoir et lors du remaniement ministériel de 1998, il en profite pour réintégrer les anciennes élites, parachevant leur retour en force.

 

Que peut-on retenir des effets du « Renouveau démocratique », engendré initialement par la Conférence nationale de 1990, sur les élites politiques béninoises? À la lumière des événements, force est de constater que les élites n’ont pas véritablement changé. Premièrement, elles n’étaient pas nouvelles, pour la plupart liées à l’ancien régime. Deuxièmement, les élites de l’ancien régime n’ont pas tardé ressurgir, une fois leur ancien gourou et caméléon de retour au pouvoir.

 

Les répercussions du changement démocratique sur les mœurs politiques : de nouvelles contraintes.

 

            Dans cette partie du livre, l’auteur traite des nouvelles filières menant au pouvoir. S’il n’y a plus de doute sur la composition des élites et leur renouveau bien relatif, les moyens pour accéder au pouvoir ont subi certaines transformations. D’abord, au niveau purement symbolique et idéologique, la démocratie a eu des incidences bien remarquables, obligeant les politiciens à changer leurs coutumes. Ainsi pouvons-nous remarquer, dans le cas du président Kérékou, une conversion rapide vers les valeurs démocratiques et le christianisme. Aussi, la réapparition du régionalisme et du clientélisme marque les nouvelles mœurs politiques.

 

Afin d’accéder à l’élite politique béninoise, il faut d’abord être en mesure de se faire élire à l’Assemblée législative. Cette première étape est maintenant un passage obligé vers la reconnaissance et subséquemment vers un poste dans les hautes sphères du pouvoir. Le parti constitue une autre facette importante de la reconnaissance politique, et la composante régionale n’est pas sans influencer le résultat des négociations sur la composition du gouvernement : « il importe au départ de se constituer une clientèle électorale, de disposer d’un fief solide pour pouvoir ensuite être en mesure de négocier. »[3] Nous pouvons donc résumer ainsi le cheminement d’un politicien béninois : 1- s’affilier ou créer son propre parti. 2- s’assurer d’avoir les assises locales nécessaires au marchandage du pouvoir. 3- disposer de ressources financières suffisantes à l’élection. La dernière décennie a aussi marqué l’apparition des entrepreneurs économiques à l’intérieur de la sphère publique. Ces derniers, jouissant d’une grande notoriété, due à leur réussite, en ont profité pour intégrer les élites béninoises. Le milieu associatif et les élites traditionnelles ont, eux aussi, profité des transformations pour réintégrer la sphère publique. Cependant, il existe peu de différence entre les associations et les partis. Centrés autour du président fondateur, ces derniers servent à en promouvoir les intérêts politiques. Le Conseil des rois, sans avoir un pouvoir politique réel, milite toutefois en faveur d’une reconnaissance constitutionnelle de leur statut.

 

L’homogénéisation des élites béninoise : les sept caractéristiques de l’élite

Malgré des différences apparentes lors des discours électoraux et une composante régionale diversifiée, l’élite béninoise fréquente les mêmes endroits, possède une scolarité similaire et habite les mêmes quartiers, confirmant ainsi une relative homogénéisation. Quelles sont les caractéristiques de cette élite? 1- L’élite est surtout masculine 2- Elle est composée de personnes d’âge mûr. 3- Elle provient de milieux favorisés. 4- Elle est régionalisée (répercussion des nouvelles règles électorales). 5- Elle est relativement éduquée. 6- Elle provient des mêmes quartiers. 7- Elle possède ses propre réseaux (club privé, etc.).

 

L’échec du Renouveau démocratique sur le comportement politique

En somme, pouvons-nous prétendre que les élites politiques béninoises ont véritablement changé leurs comportements politiques? Malheureusement, c’est sans doute en cette matière que les changements du début des années 1990 ont eu le moins de répercussions. « Le jeu démocratique n’a pas réussi à leur imposer de nouveaux comportements. Les renversements de majorité et l’alternance au sommet de l’État n’ont pas non plus induit de changements profonds dans la manière de faire de la politique au Bénin »[4]. Bref, l’accession au pouvoir a toujours pour objectif premier d’en tirer des avantages pour ensuite récompenser ses fidèles. Ainsi, peut-on remarquer que les nominations au sein de l’administration et du personnel politique ont toujours une forte connotation partisane. La corruption et le favoritisme sont toujours bien présents dans le fonctionnement de l’administration, prouvant par le fait même que les pratiques politiques obéissent aux mêmes règles que par le passé. La seule différence réside maintenant dans les contraintes imposées par l’ouverture à la démocratie, « la longévité à un poste au pouvoir (n’étant) plus assurée »[5].

Haut de page


       Consolidation démocratique et changement des élites au Botswana

Jean-François Médard

 

           À travers ce texte, l’auteur se pose deux questions relatives aux élites politique du Botswana. Premièrement, assiste-t-on à un renouvellement, en terme quantitatif, des élites politiques? Deuxièmement, peut-on remarquer, un peu à l’image du texte précédent, si la consolidation de la démocratie – puisque dans ce cas nous ne pouvons parler de premiers balbutiements - a amené des changements dans le comportement des élites?

 

Le caractère  démocratique des institutions

            D’abord, n’ayons pas peur des mots, le Botswana est l’un des pays les plus démocratiques d’Afrique. Bien plus que le Bénin, qui en est à ses premières expériences, le Botswana jouit des attributs de la démocratie depuis l’indépendance, il y a une trentaine d’année. Ainsi, Médard se permet-il d’affirmer, à juste titre, que ce pays « est sans conteste le  moins corrompu d’Afrique. »[6] Le Botswana se démarque largement des autres pays africains par la présence – récente il est vrai – d’une opposition bien organisée, mais aussi et surtout par le caractère démocratique et évolutif de ses institutions démocratiques. À cet égard, le Botswana est indéniablement et depuis longtemps un État de droit, ce qui n’est pas peu dire dans le contexte africain. De fait, les politiciens jouissent d’une liberté qui n’a pas d’égale en Afrique. La justice est indépendante et impartiale et l’administration rencontre les critères élémentaires du professionnalisme. En ce qui concerne la presse, qui a longtemps cherché son envol, elle a depuis quelques années accordé une place non-négligeable à l’opposition et à la contestation, sans pour autant que le gouvernement n’intervienne.  Aussi, les élections ont  été respectées scrupuleusement et sont acceptées par la population et reconnues comme exemplaires par la communauté internationale. Ces dernières obligent même les élites politiques à être sensibles à l’opinion publique, sans doute la meilleure preuve de leur caractère hautement démocratique. Les institutions du Botswana sont profondément enracinées dans un système parlementaire – au sein duquel l’exécutif et notamment le président jouent un rôle prépondérant -  où les membres peuvent s’exprimer librement. Finalement, le Botswana n’est pas tombé dans la logique du marchandage ethnique. Et Médard de poursuivre : «  Dans le contexte compétitif des élections pluralistes, la pente naturelle pour les entrepreneurs politiques est de chercher à politiser l’éthnicité, ce qui permet d’obtenir un réservoir de soutiens. Le Botswana a su éviter largement ce piège. »[7]

 

Néanmoins, toutes ces caractéristiques ne doivent pas occulter les déficiences faisant ombrage à ces réussites démocratiques exceptionnelles. À ce chapitre, la faiblesse de l’opposition (BNF) en est la principale caractéristique. Cette réalité est due à la présence d’un parti dominant (BDP), qui n’a perdu aucune élection depuis l’indépendance, ainsi qu’à la fragmentation de l’opposition. En outre, le système électoral - majoritaire à un tour – n’est pas sans accentuer la faiblesse de l’opposition. Le pays est aussi marqué par une société civile anémique. Quoique ce phénomène ne soit pas nouveau en Afrique, il est déplorable de constater les assises plutôt faibles des syndicats ouvriers et des organisations agricoles. Les difficultés économiques caractérisées « par la pauvreté et l’accroissement des inégalités »[8] sont des problèmes qui viennent ternir les avancées démocratiques.

 

Le renouvellement des élites

            La classe politique du Botswana était à l’origine composée d’éleveurs suivant une hiérarchie ancestrale centrée autour de chefs locaux peu instruits. Cependant, la diversification de l’économie causée par le « boom du diamant » allait constituer les bases du développement d’une élite bureaucratique. Au début, la différenciation entre les fonctionnaires et les politiciens est flagrante. D’un côté, il y a une élite peu instruite et fidèle à des pratiques archaïques, de l’autre, une élite compétente, moderne mais indépendante de la sphère politique. Cette réalité ne tarde pas à changer, le BDP recrutant des fonctionnaires à la retraite, affaiblissant le caractère homogène de l’ancienne élite. Rapidement apparaît donc une élite politico-administrative de plus en plus instruite. Cette dernière domine actuellement les différentes sphères administratives du pays. Le fonctionnaire, même s’il possède « l’initiative quotidienne » de l’administration et de la planification économique, doit tout de même tenir compte des facteurs politiques. Les politiciens, maintenant plus instruits, sont en mesure de faire jeu égal avec les fonctionnaires, soumettant ces derniers à des contraintes permettant un compartimentage bien défini des responsabilités. Malgré la montée d’une nouvelle génération, les deux partis sont dominés par les « vieux politiciens ». Il existe peu de différences dans la composition socio-économique des membres des deux partis. Toutefois, n’oublions pas de souligner que la percée électorale du BDF à l’élection de 1994 a aussi favorisé le renouvellement des élites avec l’apparition de nouvelles figures politiques.  Finalement, les politiciens et les fonctionnaires ont envahi le secteur privé, moussant ainsi des « affaires » à odeur de favoritisme, de corruption et de clientélisme. En bout de course, les élites politiques du Botswana proviennent de milieux plus diversifiés, rajeunissent et s’instruisent progressivement, accréditant la thèse d’une diversification socio-économique poursuivie par l’auteur.

 

Le changement de comportement des élites politiques

            Les dernières élections peuvent être perçues comme un point tournant dans l’histoire politique du Botswana. En effet, la percée du BDF dans les instances parlementaires – élection de 13 députés sur 40 – fait entrer le Botswana dans l’ère du bipartisme réel. Ainsi, peut-on assister à un véritable changement de comportement qui « se manifeste au Parlement, au sein du gouvernement et des deux partis politiques »[9]. D’abord au Parlement, le BDF jouit maintenant d’un véritable statut d’opposition officielle pouvant ainsi proposer des initiatives procédurales (motions, blâmes, etc.) et questionner abondamment le gouvernement. Ensuite, au sein du gouvernement, le BDP consulte plus régulièrement le BDF. Aussi, le gouvernement, prenant acte d’une opposition plus musclée, a calqué certaines parties du programme électoral du BDF, confirmant la plus grande influence de ce dernier sur l’électorat. Au niveau des partis politiques, on a pu assister à un recentrage des positions idéologiques, le BDP se montrant réformiste et le BDF adoucissant ses vieilles doctrines gauchistes.

 

En conclusion, que pouvons-nous répondre aux questions initiales soulevées par Médard au sujet du renouvellement et du changement de comportement? En ce qui concerne les données purement quantitatives, la percée du BDF à l’élection de 1994 accrédite la thèse du renouvellement des élites. Cette thèse est renforcée par le processus de diversification des élites politiques du Botswana. Restait à savoir si les élites avaient changé de comportement. Sur ce point, les changements institutionnels, d’abord au Parlement, ensuite au sein du gouvernement et finalement à l’intérieur des partis politiques, démontrent des comportements en mutation et en évolution. Répondant par l’affirmative à ces deux questions, nous pouvons en conclure que le Botswana est en période de consolidation démocratique.

Haut de page


Niger : l’usure progressive d’un régime militaire

Mamoudou Gazibo

 

L’assassinat du général Baré en 1999 est le triste reflet de l’impossibilité pour une junte militaire de gouverner sans des assises solides au sein des élites politiques et militaires. La question soulevée est la suivante : est-il possible pour un chef d’État de s’appuyer sur une élite minoritaire ou marginalisée pour gouverner sans partage sur un pays? Voici le récit de ces tristes événements.

 

            Pour justifier le coup militaire de 1996, le général Baré avait invoqué l’instabilité croissante du gouvernement pour « éviter au Niger des périls majeurs, (notamment) une guerre civile ». Néanmoins, ce dernier n’arriva pas à instaurer un nouveau climat politique, s’accrochant au pouvoir, alors qu’il avait promis le contraire, et reproduisant les vieilles pratiques politiques du pays. La classe politique, qui avait d’abord donné sa chance au nouveau gouvernement afin de l’accompagner dans une sortie en douceur, s’est rapidement heurtée à l’ambition du nouveau chef d’État. La junte au pouvoir sombra alors dans des dérives autoritaires et anti-démocratiques. Triste reflet de cette réalité, les élections de 1996 et 1999 ont été tenues en contrevenant les règles démocratiques les plus évidentes. En outre, le système judiciaire, partial et proche de la junte au pouvoir, a renforcé la crise politique en rendant des jugements controversés et défavorables à l’opposition. Devant l’impossibilité de discuter de bonne foi avec le gouvernement, l’opposition appela rapidement à la désobéissance civile.

 

Sur le front des politiques sociales, le gouvernement Baré s’est enlisé dans un dialogue de sourds avec la société civile. Préférant respecter les contraintes des organisations internationales « dans le cadre de la politique d’ajustement structurel »[10], les autorités politiques ont refusé toutes demandes des groupes syndicaux. À ce chapitre, l’une des promesses du nouveau gouvernement, pour obtenir un compromis sur la délicate question de la baisse des salaires, avait été d’annoncer « le paiement régulier des revenus individuels ». Malheureusement, cette promesse n’a jamais été tenue, mettant le gouvernement dans une situation plus que précaire. En outre, le général Baré a imposé des contraintes bien évidentes à la liberté de presse en fixant un programme législatif qui violait tous les principes d’une presse indépendante. Tout ceci fait dire à l’auteur qu’à « la vieille du coup d’État , le divorce était consommé entre le pouvoir et la société civile ».

 

Des facteurs internes…

En plus de s’être aliéné l’opposition et les principaux médias d’information, le général Baré était aux prises avec d’importants problèmes internes. En fait, plus le temps avançait et plus le général sciait la branche sur laquelle il reposait. Au niveau politique, le chef du gouvernement était fortement contesté au sein de son propre parti. Aussi, la présence et l’influence du frère du général au sein du cabinet présidentiel en irritait plus d’un.

 

            En ce qui concerne le parti, il était profondément divisé entre les modérés, favorables à un compromis avec l’opposition et les extrémistes, qui tentaient d’imposer la loi du silence. Comme si ce n’était pas suffisant, « les problèmes internes étaient aggravés de la lutte de clan structurée par des enjeux financiers »[11].  Rendant des décisions favorables à son entourage immédiat, le chef de l’État a fait des insatisfaits parmi les siens, affaiblissant ainsi sa propre position. Pour ce qui est de l’armée, le général Baré était, là aussi, dans une position pour le moins délicate. Effectivement, du côté des hauts gradés, la fulgurante ascension du général déplaisait à plusieurs. Le renforcement de la garde présidentielle et le limogeage de quelques officiers exacerbaient les tensions. Rapidement, nous avons pu assister à ce que l’auteur appelle « une concentration du pouvoir militaire en faveur d’officiers proches du pouvoir. »[12] Preuve non-équivoque de toutes ces dissensions : l’appel à la démission, de la part de plusieurs officiers, du général Baré.

 

Les raisons officielles et officieuses du coup d’État

            Deux raisons peuvent expliquer le renversement de la junte militaire de la fin des années 90 au Niger. Premièrement, le régime avait été incapable d’enrayer les problèmes auxquels était confronté le pays. Pis encore, dans bien des domaines la situation s’était relativement aggravée. Sur le plan politique notamment, la situation était revenue au point de départ. Bref, peu de choses avaient changé depuis 1996. Ainsi, les militaires, Wanké en tête, ne répétèrent pas les même erreurs que leurs prédécesseurs, formant un gouvernement d’union nationale « issu de tous les partis politiques. »[13] En outre Wanké prit les mesures nécessaires afin d’enclencher le processus d’un retour rapide vers la démocratie.

 

            Deuxièmement, le renversement du général Baré peut aussi être perçu comme une manière astucieuse pour l’armée de se dissocier des événements de 1996. Pour beaucoup, les même officiers sont toujours en place et le renversement de 1999  leur assure une amnistie générale.

 

Les réactions

Sur le plan intérieur, la nouvelle du coup d’État n’a surpris personne. L’impopularité du général, tant à l’intérieur de ses troupes que dans l’opposition et la société civile, explique, sans le moindre doute, l’indifférence, voire même la satisfaction générale face au changement de gouvernement. Les promesses d’un retour rapide à la démocratie ne sont pas sans accentuer cette indifférence. Sur le front social, le nouveau gouvernement fait preuve d’ouverture, revenant sur des décisions impopulaires comme l’âge à la retraite. À l’étranger par contre, les réactions ont été pour le moins paradoxales, en regard de la complaisance de certains face au régime du dictateur violemment abattu. Plusieurs pays africains ont adopté la ligne dure envers le Niger. C’est le cas du Gabon, du Mali et de la Côte d’Ivoire. Quant aux pays occidentaux, outre les États-Unis et le Danemark, la plupart  ont préféré condamner le coup d’État. C’est le cas de la France qui a suspendu son aide financière. Ces attitudes sont pour le moins surprenantes étant donné les signes d’ouverture du nouveau régime, le caractère anti-démocratique de l’ancien et l’unanimité de la société civile nigérienne face au renversement.

 

Sur le plan élitiste, le cours passage du général Baré démontre que: 1- sans un appui minimal de la société civile, la gouvernance se montre précaire. 2- le marchandage dans l’exercice du pouvoir doit dépasser l’entourage immédiat. 3- le rôle de la filière militaire demeure prépondérant et en faire fi mène au suicide politique. 4- le gouvernement doit garder un minimum de cohérence et de crédibilité.

 

Finalement le Niger doit faire des choix importants au cours des prochaines années. Au cœur de ces derniers : le type de régime institutionnel. Ce débat tourne autour de deux alternatives. Un système présidentiel ou encore un système semi-présidentiel. Aussi, les nigériens devront redéfinir le rôle et l’importance de l’armée au sein du système politique.

 Haut de page




[1] Daloz, J.-P., Le non-renouvellement des élites en Afrique subsaharienne, p.35.

[2] Ibid, p.38.

[3] Ibid, p.42.

[4] Ibid, p.50.

[5] ibid, p.52.

[6] ibid, p.188.

[7] ibid, p.195.

[8] Ibid, p.199.

[9] Ibid, p.203.

[10] Gazibo, Mamoudou, « Niger : l’usure progressive d’un régime militaire », Afrique contemporaine, No 191, 3e trimestre 1999, p. 32.

[11] Ibid, p.35.

[12] Ibid, p.36.

[13] ibid, p.38.

 

Haut de page