(26 mars) Démocratisation, formules institutionnelles, élections Antonin-Xavier
Fournier (2ème rapport de lecture) |
Constitution-Making
in Africa : Assessing Both the Process and the Content Politics
of Constitutional Reforms and Democratization in Africa |
Constitution-Making in Africa : Assessing Both the Process and the Content M. Ndulo Le continent africain possède indéniablement les ressources nécessaires pour connaître un développement économique soutenu au cours des prochaines décennies. En effet, tant au niveau démographique que sur le plan des ressources naturelles, les perspectives semblent prometteuses. Malheureusement, les problèmes de mauvaise administration et les gouvernements souvent instables constituent des obstacles importants à l’essor économique de cette région. Afin d’en arriver à un juste équilibre entre la prospérité économique et le développement social, l’Afrique doit modifier sa forme de gouvernance en instaurant des institutions politiques plus consensuelles et respectueuses de l’État de droit. L’un des instruments pouvant mener les systèmes politiques africains à se modifier pourrait être le droit constitutionnel. Un nouvel ordre constitutionnel permettrait, selon l’auteur, l’établissement des conditions minimales d’une société juste, libre et démocratique. L’ancien constitutionnalismeLes effets de la colonisation sur le continent africain sont bien connus. Premièrement, la colonisation a bouleversé l’ordre sociétaire centré autour des valeurs locales. Deuxièmement, elle a modifié les structures du développement économique, affectant, par ricochet, la nature de l’élite africaine. Cette dernière, maintenant urbaine et éduquée en Occident, alimenta une logique centralisatrice et profondément mercantiliste. Troisièmement, elle a créé des frontières incertaines et arbitraires sans aucun rapport avec la réalité africaine et fondées sur des intérêts occidentaux. Finalement, en organisant une structure coloniale centralisée et élitiste, elle a favorisé l’émergence d’un pouvoir autoritaire au lendemain des indépendances. Ainsi, comme l’illustre l’auteur, les systèmes politiques africains n’ont fait que reproduire la structure coloniale. Bref, ils sont devenus répressifs, corrompus et anti-démocratiques. Cette réalité n’était pas présente dans les textes constitutionnels qui reflètent davantage les valeurs égalitaires du mouvement des indépendances. Toutefois, le mépris affiché par les gouvernants à l’égard des valeurs démocratiques et l’application très partielle du droit constitutionnel font en sorte que le constitutionnalisme était figé dans l’immobilisme. Le
nouveau constitutionnalisme
Pour
l’auteur, le droit constitutionnel peut être vu comme un moyen efficace
pour sortir des structures politiques imposées par le colonialisme.
Ainsi, l’établissement d’un ordre politique et constitutionnel
permettrait de sortir l’Afrique de son marasme économique tout en
permettant l’essor des droits de la personne. Cependant, pour être véritablement
efficace et ainsi susceptible d’affecter positivement les régimes
politiques, le droit constitutionnel doit être régi par certains
principes : 1- la constitution doit être la loi suprême visant à
contrôler le gouvernement. 2- elle doit protéger les droits fondamentaux
de la population. 3- elle doit être interprétée par des juges
impartiaux et indépendants. 4- elle doit assurer des élections justes,
libres et démocratiques 5- elle doit s’assurer que le gouvernement légifère
en conformité avec le principe constitutionnel. 6- elle doit assurer des
procédures administratives équitables. Tous ces critères ne sont pas
sans soulever certaines polémiques. Effectivement, d’aucuns prétendent
que ces principes ne peuvent guider les sociétés africaines, puisque
trop centrés sur les valeurs occidentales.
Le droit constitutionnel est une science évolutive qui doit tenir
compte de l’évolution des régimes dans l’espace et le temps. Il doit
aussi tenir compte des particularités de chaque pays. De la sorte, le
droit constitutionnel africain doit créer ses propres mécanismes en
fonction de ses besoins. Quels sont-ils? 1- avoir un pays suffisamment uni
pour que l’ordre constitutionnel puisse être effectif. 2- avoir un
partage des pouvoirs reflétant et protégeant la multiplicité des
acteurs ethniques et raciaux. 3- avoir un équilibre constitutionnel
capable de stabiliser les tensions créés par le partage arbitraire des
frontières. 4- enchâsser des règles de développement économique et
sociale. 5- réorganiser les structures exécutives pour éviter les abus
de pouvoir. 6- voir au respect de l’opposition et des élections libres.
7- assurer la liberté de presse. 8- encadrer le pouvoir militaire. 9-
encourager le développement d’une société civile organisée. 10-
aborder la question des élites traditionnelles et finalement, 11-
s’assurer d’une plus grande décentralisation du pouvoir.
Tous ces besoins sont excessivement vastes et la première critique
nous venant à l’esprit est la suivante : est-il réaliste de
penser qu’autant de besoins puissent être comblés en une seule
constitution? Aussi, est-il possible de concilier des intérêts parfois
difficilement conciliables, comme dans le cas des tensions sociales? En
d’autres termes, le nouveau constitutionnalisme serait-il trop angélique,
négligeant les impératifs du développement économique et surestimant
les bienfaits de l’État de droit? Des valeurs décentralisatrices
La question de la décentralisation du pouvoir est
au cœur du débat constitutionnel africain. Comme nous l’avons vu, le
passé colonial a mené l’ordre constitutionnel actuel vers des
dysfonctions centralisatrices. Les pouvoirs de la branche exécutive
illustrent bien cette réalité. Afin de résoudre efficacement cette
dysfonction, il faut reconnaître le rôle des localités africaines et de
leurs protagonistes. Pour parler en des termes plus occidentaux, il faut décentraliser
le pouvoir vers les régions. En outre, tout porte à croire qu’une décentralisation
des pouvoirs rendra la population plus active au niveau démocratique.
Bref, une décentralisation vers les entités locales ou sous-nationales
devrait rapprocher le monde rural du monde urbain, répondant par là à
l’un des grands défis du développement de l’Afrique et renforçant,
du même souffle, les principes démocratiques. Toute
ces modifications, nous l’avons déjà souligné, doivent avoir pour
cadre un système démocratique comprenant la liberté d’expression et
d’association, un corps judiciaire indépendant, une administration
civile et responsable et des élections périodiques permettant à une
multitude de partis de lutter pour le pouvoir. Aussi, l’acte
constitutionnel doit servir à renforcer toutes ces caractéristiques en
proclamant la supériorité des pouvoir du peuple, rétablissant ainsi le
lien contractuel entre la population et les gouvernants. Une réforme électorale
Le système électoral constitue une autre facette
de la problématique africaine. La question soulevée est la suivante :
quel système électoral est le mieux adapté aux nombreuses réalités de
l’Afrique? Sur cette question délicate, l’auteur ne semble pas
trancher catégoriquement, préférant rappeler les avantages et les
inconvénients des systèmes majoritaires et proportionnels. En bout de
piste toutefois, l’argumentaire favorise un système proportionnel. Ce
dernier est plus représentatif et permet à la société traditionnelle
africaine de prendre sa place sur l’échiquier politique. De notre point
de vue, cette perspective sous-estime les possibles tensions qui peuvent
émaner d’un système électoral proportionnel, tout en négligeant la
stabilité offerte par un système majoritaire.
Sur la question des systèmes présidentiel ou parlementaire, les
choix ne sont guère plus aisés. Cependant, comme une large majorité de
pays africains ont un système présidentiel, nous sommes à même de
constater les limites du présidentialisme. Dans un tel système, fait
remarquer l’auteur, la défaite ou la victoire est plus facilement
contestable. Ensuite, il peut mener à une confusion des rôles, comme par
exemple dans le cas d’une cohabitation. Aussi, le système présidentiel,
en dissociant l’exécutif du législatif, affaiblit le rôle du
parlement. De plus, le système présidentiel favorise la logique du
marchandage régional en faveur du fief présidentiel. Les principes d’adoption d’une constitution
Toute constitution doit suivre certaines procédures
avant d’être adoptée. Ces procédures visent deux objectifs. Premièrement,
s’assurer que la constitution est le reflet de la volonté générale,
ce que l’auteur appelle le processus de légitimité. Deuxièmement,
s’assurer que la constitution est au-dessus du parlement, ce que les
constitutionnalistes appellent le principe supra-législatif.
Au niveau de la légitimité, elle doit être inclusive, c’est-à-dire
faire l’unanimité. Elle doit aussi, il va sans dire, être adoptée
dans des conditions transparentes et être facilement accessible. En ce
qui concerne la promulgation, deux alternatives classiques sont offertes.
1- l’adoption par les 2/3 des membres du parlement ou 2- l’adoption
par une assemblée extraordinaire et/ou un référendum. Pour l’auteur,
la question de la procédure d’adoption est centrée autour du caractère
démocratique de l’événement. Afin d’être le plus représentatif et
consensuel possible, il ne fait pas de doute que l’option référendaire
doit-être priorisée. Cette réalité est d’autant plus vraie lorsque
que les instances régionales et locales sont presque inexistantes, comme
dans le cas de l’Afrique. En effet, le référendum est bien souvent le
seul processus permettant à l’ensemble de la population de
s’exprimer. ConclusionNous
pensons que la question constitutionnelle doit être au centre des préoccupations
sur la transition démocratique en Afrique pour trois grandes raisons.
Premièrement, le droit constitutionnel est le seul garant de l’État de
droit. Deuxièmement, il peut permettre une résolution pacifique des
conflits. Enfin, il permet un rapprochement, dans un cadre décentralisateur,
entre les localités et les grands centres. Cependant, la question du développement
économique ne doit pas être reléguée aux oubliettes. Sans un développement
équitable et une création minimale de richesse, nous sommes sceptiques
quant à la porté réelle d’une modification constitutionnelle. Aussi,
nous pensons que le discours sur le nouveau constitutionnalisme est trop
ambitieux. Peut-être l’adoption de mesures réalistes serait plus
appropriée.
Julius
O. Ihonvdere
La globalisation a au moins eu l’effet positif de
changer la perception des acteurs internationaux en ce qui concerne la délicate
question africaine. Ainsi, l’abandon des conflits idéologiques
opposant, dans une logique binaire, l’Occident aux pays communistes a
permis à l’Afrique de se questionner, de s’interroger sur son avenir
politique et économique. Cet abandon a aussi forcé les principaux pays
occidentaux à revoir leur politique étrangère, affectant par le fait même
les alliances traditionnelles et le support inconditionnel envers les
dictatures. De fait, l’aide économique et technologique ne suit plus le
simple rapport de l’appartenance idéologique. Pour bénéficier du
support de l’Occident, il faut maintenant faire preuve d’une ouverture
démocratique. En outre, les principales organisations d’aide
internationale imposent à l’Afrique des ajustements économiques
difficiles et douloureux. Aussi les pressions ne sont pas uniquement
d’ordre strictement externe. La société africaine est elle-même en
pleine ébullition, tentant de rompre avec les valeurs du néocolonialisme
et explorant de nouvelles avenues. Toutes ces nouvelles réalités
obligent le continent africain à redéfinir ses différents systèmes
politiques. Obligée de se démocratiser en plus de faire face à la
mondialisation, la société africaine doit faire des choix
parfois complexes et hasardeux. L’une des solutions envisagées
consiste à faire de l’initiative constitutionnelle le principal vecteur
de démocratisation. Quelle structure politique et constitutionnelle?
Maintenant que les temps changent quelque peu
en Afrique, la population et les différents acteurs peuvent davantage réfléchir
sur l’orientation de la politique institutionnelle et sur la structure
idéale des cette dernière.. Au centre de cette réflexion : le
droit constitutionnel et son évolution possible pour l’Afrique. Ce
dernier occupe même une place de choix à l’intérieur du débat
politique. Ainsi, la question constitutionnelle soulève des débats qui dépassent
largement la simple question juridique de l’enchâssement et/ou de la
formule d’amendement. Les acteurs politiques tentent plutôt de définir
les différentes formes de constitution, leur application, le débat
qu’elles doivent susciter et la nature des pouvoirs qu’elles établiront.
Dans le contexte africain, le nouveau constitutionnalisme est vu comme une
façon pacifique d’enrayer les vices de l’autoritarisme et du clientélisme.
Bref,
la constitution: “have become veritable instruments in the
acknowledgement and protection of nationality, gender, environment,
cultural and economic right.” L’ancien constitutionnalisme
Bien que le nouveau constitutionnalisme soit en
vogue en Afrique, il n’en demeure pas moins que le passé
constitutionnel africain est riche. Cependant, contrairement au débat
actuel qui cherche à établir un consensus sur le caractère représentatif
d’une constitution, l’ancien constitutionnalisme se démarquait par
ses déficiences démocratiques. Par le fait même, le droit
constitutionnel qui s’est forgé à partir des indépendances n’a été
que le triste reflet du néocolonialisme. Les systèmes politiques
africains, profondément élitistes, opportunistes et conservateurs, ont
donc façonné le droit constitutionnel. De ces caractéristiques a découlé
un processus constitutionnel vicié, incapable de rallier la majorité,
favorisant les élites au pouvoir et n’étant aucunement représentatif.
Pris à l’intérieur d’une logique anti-démocratique, le droit
constitutionnel a perdu toute sa valeur puisque incapable de reposer sur
des assises solides. Il a donc évolué en fonction des régimes en place,
plutôt qu’en fonction d’une évolution conventionnelle (au sens
juridique du terme).
Le caractère répressif des régimes politiques africains
constituait une autre embûche à l’évolution constitutionnelle. La
société civile et le parlement étant ainsi contrôlés, les mesures de
modification ne pouvaient que favoriser le régime en place. Pis encore,
l’utilisation de la force par la filière militaire rendait l’évolution
du droit constitutionnel encore plus chaotique. Ainsi, les suspensions et
les nombreuses modifications arbitraires rendaient le processus
constitutionnel inefficace. Aussi, les crises successives des régimes
politiques et la disparité entre les différents acteurs ont compliqué
le processus délibératif entourant la question constitutionnelle. Quel ordre constitutionnel pour l’Afrique?Quel
ordre constitutionnel doit émerger en Afrique? Ce dernier doit-il être
calqué sur le droit occidental ou doit-il au contraire chercher à être
en accord avec le caractère distinctif de l’Afrique? D’abord, il doit
établir des liens avec les états démocratiques. En effet, certains
principes constitutionnels ont une connotation universaliste. Pensons au
respect de l’État de droit, à la séparation des pouvoirs, à des élections
justes, libres et démocratiques ou encore à l’indépendance de la
branche judiciaire. Cependant, les pays d’Afrique devront accorder une
importance particulière aux droits de la personne, aux rapports
hommes-femmes, à la liberté d’expression et aux droits des minorités.
Aussi, la question du contentieux constitutionnel africain devra aborder
la question délicate du pouvoir militaire. Mais surtout, le débat
constitutionnel devra sortir de son cadre restreint. Étant par définition
la loi suprême régissant les différents lieux de pouvoir, la
constitution devra être sujette à débat à l’intérieur de la société
civile africaine. La constitution devra aussi se démarquer par son caractère
nettement supra-législatif, rendant de la sorte sa remise en question
plus difficile. ConclusionEn somme, le droit constitutionnel représente l’une des pierres angulaires du processus de transition démocratique en Afrique. Si le pouvoir africain s’articule autour d’une constitution respectant les valeurs d’une société juste, libre et démocratique, les systèmes et les régimes politiques s’en trouveront renforcés. Aussi, le processus délibératif amenant à l’édification d’une constitution est une voie nouvelle permettant : 1- de mobiliser et d’éduquer la population. 2- une alternative démocratique viable dans le temps et l’espace. 3-de réduire les tensions ethniques et 4- de rendre la population active à l’intérieur du cadre politique. Bref, le constitutionnalisme permettra de réconcilier la société africaine avec elle-même en donnant une plus grande légitimité aux institutions. |